La légende noire du 15e Corps d’Armée

La légende noire du 15e Corps d’Armée

 Dieuze

Août 1914

 

document pédagogique à l’usage des enseignants et des élèves de 3e et de 1ère

Mots-clés : mobilisation, témoignages, censure, union sacrée, bataille de frontière, offensive à outrance, retraite, bourrage de crâne, rôle de la presse, noms de rues, bouc émissaire.

 

par Maurice Mistre-Rimbaud

Des Républicains diffamés pour l’exemple 2004

La guerre se prépare

 

1er août, le 6e Bataillon de Chasseurs Alpins de Nice rentre de manœuvres ;

« Dés notre arrivée, les capitaines et sergent-majors, sont avertis de Nice, que la mobilisation sera vraisemblablement décrétée dans le courant de l’après-midi et d’avoir dés maintenant à commencer les opérations. Départ 14 heures 30, sous le commandement du Lieutenant Marc. Les femmes pleurent. Notre passage à Lucéram, jette l’émoi dans la population, à Escarène nous apprenons que l’ordre de mobilisation vient d’être communiqué officiellement. »[1]

A Digne (04)

« Le soir à 9h, la musique joue la Marseillaise sur le kiosque, l’hymne russe et anglais, toute la population est là. Le préfet monte sur le kiosque et fait un discours patriotique, la foule l’acclame parcourt les rues en jouant la Marseillaise, toute la population et les soldats suivent en chantant illuminés par les feux de bengale. » [2]

Le 2 août 1914, à 22 h, arrive à la Préfecture de Draguignan, le télégramme suivant :

« Circulaire d’extrême urgence. Intérieur à Préfets France et Algérie et pour tous leurs arrondissements à Sous-Préfets Le Havre, Reims, Brest, Toulon.

Prière prendre mesures immédiates pour faire imprimer et afficher aussitôt dans toutes les communes de votre département la proclamation suivante à la Nation française.

Depuis quelques jours l’état de l’Europe s’est considérablement aggravé. En dépit des efforts de la diplomatie, l’horizon s’est assombri. A l’heure présente, la plupart des nations ont mobilisé leurs forces. Même les pays protégés par leur neutralité ont cru devoir prendre cette mesure à titre de précaution. Des puissances dont la législation constitutionnelle ou militaire ne ressemble pas à la nôtre, sans avoir pris un décret de mobilisation ont commencé et poursuivent des préparatifs qui équivalent en réalité à la mobilisation même et qui n’en sont que l’exécution anticipée. La France qui a toujours affirmé ses volontés pacifiques, qui a dans les jours tragiques donné à l’Europe des conseils de modération et un vivant exemple de sagesse, qui a multiplié ses efforts pour maintenir la paix du monde, s’est elle-même préparée à toutes les éventualités et a pris, dès maintenant, les premières dispositions indispensables à la sauvegarde de son territoire. Mais notre législation ne permet pas de rendre ses préparatifs complets s’il n’intervient pas de décret de mobilisation. Soucieux de sa responsabilité, sentant qu’il manquerait à un devoir sacré s’il laissait les choses en l’état, le Gouvernement vient de prendre le décret qu’impose la situation. La mobilisation n’est pas la guerre. Dans les circonstances présentes, elle apparaît au contraire comme le meilleur moyen d’assurer la paix dans l’honneur. Fort de son désir d’aboutir à une solution pacifique de la crise, le Gouvernement, à l’abri de ces précautions nécessaires, continuera ses efforts diplomatiques. Il espère encore réussir. Il compte sur le sang-froid de cette noble nation pour qu’elle ne se laisse pas aller à une émotion injustifiée. Il compte sur le patriotisme de tous les Français et sait qu’il n’en est pas un seul qui ne soit prêt à faire son devoir A cette heure, il n’y a plus de partis, il y a la Patrie du droit et de la justice, toute entière unie dans le calme, la vigilance et la dignité. »[3]

Ce texte est signé par Poincaré, Président de la République et tous les ministres. Il sera accompagné de la tristement célèbre affiche de mobilisation. 

 

La mobilisation

Les affiches placardées, les gendarmes partent avertir les mobilisables ;

« Quand les gendarmes sont venus le chercher, il y avait le grand-père, l’oncle Victor, mon pauvre père et moi…

On était dans la remise, on mettait le foin au grenier. Les gendarmes sont arrivés… l’oncle Victor est parti avec eux et mon pauvre père. Nous ne sommes restés que moi et mon grand-père.[4]»

Victor rejoint aussitôt la caserne Gazan, à Antibes, où cantonne le 111e régiment d’infanterie.

« La mobilisation étant déclaré le Samedi 1er Août 1914 le lendemain le 2 il fallut se rendre en notre garnison à Antibes Caserne la hache. Dont on nous y a habillé tout de suite en rentrant en nous donnant tout le fourbi et tout ce qui nous fallait, épuis on nous a loger dans un ancien couvent, la coucher sur la paille on y passa toute la semaine en faisant 3 heures d’exercice en toute la journée. »[5]

2 août. Joséphin lui part pour Toulon.

« Je pars le cœur content et joyeux et un bon espoir car je crois que le 112e partira sur les frontières d’Italie et ne sera pas le premier à marcher sur la ligne de front.[6]»

 

Le départ.

Les préparatifs terminés, c’est le départ pour le front de l’Est, en Lorraine.

« Voila que le Samedi 8 août de le matin le Capitaine nous dit mes enfants cet aujourd’hui la veille du départ il faudra voir s’il ne manque rien à personne, et c’est comme c’à que l’apré-midi vers les 3 on passa la revue sur la grande place Le soir il fallu rentrer à 9 heures et se reposer pour le lendemain. Le lendemain matin de très bon matin a 3 heures on entend le Sergent de semaine Sergent qui crie allon debout mes enfant dépechons nous car c’est ce matin que l’on part~. D’un seul coup nous furent tous debout chaqu’un brouqua[7] son sac et son fusil et nous dans un quart d’heures tous rassemblés dans la me le cœur  content d’aller défendre notre pays la France. Notre Bataillon 9e 10e 11e 12e Compagnie devez partir à 9 heures du matin mais le train n’étant pas près on attendit jusqu’a à il heures et la on cassa la croûte l’on manga le chocolat et le fromage que l’on avez touchez. En ce temps l’a tout d’un coup je m’entendit appelez et je me toure et qui j’aperçois mon camarade Clément~qui se rendait à la caserne on causa un moment, on alla au bistrot trinsquer[8] un coup pour faire santé, on s’embrassa et on se quitte lui rentra a la caserne et moi, le capitaine ayant commendé sac au dos je m’enfille mon sac je prends mon fusil et nous voila à l’embarquement. »[9]

C’est l’heure grave de la séparation où la tristesse et l’émotion dominent. La guerre sera courte !

« La gare était bondée de gens des pauvres mères qui pleuraient, des filles de tout âge qui nous donnez à boire et nous disez au revoir en même temps, épuis voilà que le train part et nous emporte tous du côté de la frontière et la vous devez croire que des aurevoirs que dés adieux qui s’échangèrent. » [10]

« Toulon 5 août, Je pense bien que dans 30 jours, je serai de retour»[11].

« 7 août À toutes les gares, petites ou grandes la population est là nous jetant des fleurs, dans les campagnes tout le monde agite les mouchoirs, homme, femmes et enfants.[12]

« 8 août Larmes au moment de la séparation. Personnellement je n’ai aucune appréhension, mais qui sait ce que l’avenir réserve. Il circule déjà un tas de racontars. La guerre doit durer 15 jours, etc.) Personnellement je compte au moins deux mois. » [13]

En cours de route, la population est plus expansive, elle encourage et soutient ces malheureux qui montent au front.

« Tout le long du voyage, à toutes les gares, à tous les arrêts, c’était plein de femmes, de jeunes filles nous donnant du vin, de la grenadine pour nous désaltérer car il faisait très chaud dans ces wagons. » [14]

« Dans les gares où le train s’arrête, beaucoup de volontaires (jeunes filles en particulier) nous donnent à boire, nous offrent des médailles etc. Au fur et à mesure que nous avançons, on sent plus d’inquiétude chez les civils.» [15]

« Nous avons fait un long voyage dont à tous les arrêts du train les gens nous distribuaient du vin, des liqueurs, des fruits, etc., mais ne restez point étonnée si je ne vous dis pas le pays où je me trouve, je ne puis pas vous le dire, c’est un secret. » [16]

« La population nous fait un accueil sympathique, distribution de boissons rafraîchissantes, d’ailleurs à toutes les gares, la population est là qui nous acclame… À toutes les gares, petites ou grandes la population est là nous jetant des fleurs, dans les campagnes tout le monde agite les mouchoirs, homme, femmes et enfants.[17]

« A Contrexéville, des élégantes distribuent aux artilleurs des bonbons, des cigarettes, des boissons hygiéniques. »[18]

La censure veille

« Buissoncourt. Dimanche 16 août. Quoi te dire? Des lois draconiennes mais évidemment nécessaires nous ont été dictées. Nous devons envoyer des lettres ouvertes sans indiquer ni l’endroit où nous sommes, ni ce que nous faisons, etc. etc.

Je fais silence à ce sujet étant passible de conseil de guerre si je n’obéissais pas. »[19]

La bataille de Lorraine

Les soldats du 15e Corps[20] arrivent au sud de Nancy. Une première défaite se produit à Lagarde (Moselle), le 11 août. Les Français avaient franchi la frontière et étaient entrés en Lorraine annexée. Mais la grande attaque française est prévue le 14.

&    12 août « Dans tous les cas ne vous faîtes pas tant de mauvais sang. Moi, je vis dans le bon espoir de retourner maintenant mais je ne puis rien assurer, nous sommes plusieurs de l’environ et nous avons tous fait les mêmes réflexions. Ce n’est pas de notre faute et on ne peut rien n’y faire, il n’y a qu’à faire son devoir le mieux possible…

Enfin, si ça va toujours comme à présent, nous retournons, nous n’avons pas encore vu l’ennemi, et puis le jour de la rencontre, nous y ferons face, il faut avoir bon courage et tout ira bien. » [21]

&    14 août : « À 6 heures 10 une grande clameur retentit, nous venons de franchir la frontière, nous mettons baïonnette au canon et en avant sous une pluie d’obus et de balles, les camarades commencent à tomber ; le feu devient de plus en plus horrible, nous ne rigolons plus, mais nous avançons toujours, nous entendons sonner la charge, nous nous mettons à l’abri derrière un talus et nous avançons par bonds, les balles sifflent sans discontinuer et les shrapnels éclatent à hauteur de la ceinture. 

Enfin nous quittons cet abri et nous partons en avant, nous faisons un petit abri avec le sac et de la terre devant et nous attendons, enfin à 8 heures, on n’entend plus rien. Nous nous rassemblons et nous quittons ce lieu de carnage. Dans la nuit on marchait sur les morts, on entendait les blessés qui criaient, d’autres nous suppliaient de les achever, d’autres de les faire boire, nous n’avions pas une goutte d’eau »[22]

« Des fantassins ennemis, nul n’en vit en ce jour du 14, pas plus que d’artilleurs. D’où partaient ces balles qui fauchaient nos rangs ? Où s’étaient enfouies ces batteries dont les obus creusaient des entonnoirs de huit mètres de largeur et réduisaient en bouillie les malheureux qu’ils atteignaient ? Rien. On ne voyait rien » [23]

&    15 août : « On va attaquer, c’est sûr l’adjudant nous l’a dit et on entend le canon…on va devoir y aller ! On avance vers Morhange, Benestroff, Dieuze. Ça canarde de partout obus, balles des mitrailleuses et déjà des collègues sont tombés ; le sergent brame comme un veau juste à côté de moi et il faut monter la colline d’où les Boches sont en ce moment pour les enlever. »[24]

&    16 août : « Le bataillon est porté du 14 au 16 août vers la frontière qu’il traverse le 16, au nord du village de la Garde, sur les talons d’un ennemi qui refuse le combat C’est en ce point qu’il voit la première fois les traces douloureuses des combats précédents, les premiers cadavres, les premières ruines, les premières tombes. »[25]

« Nous trouvons des armes, des effets abandonnés, une batterie d’artillerie presque complètement détruite, dont par mesure d’hygiène sans doute on a brûlé les chevaux morts. Qui ? Dans un champ de betteraves, je découvre la première tombe sur laquelle on a mis bien en évidence les écussons (19e artillerie) drôle d’impression ! Par la suite on découvre d’autres tombes (Français et Allemands).

Dans Lagarde même, amas d’effets armes, selles, caissons d’artillerie démolis, cadavres dans le canal, même des blessés français que les Allemands partis la veille, n’ont pu amener. Ces blessés déclarent avoir été bien soignés, mais que en se retirant les Allemands ont déclaré qu’ils reviendraient dans trois jours… » [26]

Les Allemands reculent et attendent les Français dans la plaine de Dieuze qu’ils ont préparées.

La grande bataille des frontières va commencer.

&    19 août : « J’ai eu le bonheur, ce matin, de voir Jean. Il n’est pas loin de moi et se porte bien. Pour le moment tout va bien. Espérons que ce sera toujours la même chose »[27]

« Nous repartons pour Lindre-Haute. La bataille reprend. Nos fantassins ne tiennent pas sous la pluie d’obus de gros calibre, surtout du 105 brisant dont l’effet les démoralise, qui les accable sans que notre artillerie les protège suffisamment. Nous ne parvenons pas à découvrir les batteries ennemies. Il s’avère que nous nous sommes heurtés à une véritable position fortifiée; l’artillerie allemande a repéré toutes les crêtes, tous les plis du terrain. Dès qu’une de nos batteries s’installe, elle est découverte par un avion et aussitôt soumise, sans réglage, à un arrosage systématique. »[28]

Début de la grande contre-attaque allemande. Batailles de Dieuze et de Morhange.

&    20 août : « A l’aube, nous[29] rejoignons notre régiment  près des marais de Bensdorf[30]. C’est alors que commence l’attaque la plus violente qui soit ; le 15e Corps, déclenché tout entier, avance malgré les canons, les mitrailleuses et les mausers, Les hommes ayant de l’eau et de la boue jusqu’à la ceinture – beaucoup se sont noyés en cet endroit. Vers 10 heures du matin, la situation, qui semblait nous sourire jusque-là, est singulièrement changée ; le canon ennemi crache à 3 300 mètres seulement et nous n’avons aucun abri alors que l’armée boche est solidement retranchée sur des hauteurs constituant des points stratégiques admirables. Vers 11 heures, les bataillons de chasseurs qui donnaient I’assaut commencent à fléchir avec d’effroyables pertes. Ordre est donné de se replier sur Dieuze ; alors commence une retraite sur l’arrière sous les 210 allemands, les mitrailleuses de l’infanterie, cependant que, la rage au cœur, des clairons sonnent encore la charge. »

Vu du côté allemand[31] :

« Nous avons passé la nuit du 19 au 20 à Bourgaltroff, dans les tranchées, nous attendant à une attaque de la part des Français. De temps en temps, des coups étaient échangés par des patrouilles en reconnaissance. Mais les Français n’avancent pas. A 5 heures et demie du matin, l’ordre est donné d’attaquer les positions françaises à l’ouest de Dieuze. Les Français avaient une position avancée dans les bois de Monack au nord-ouest de Vergaville. En dépit des obstacles (l’avoine très haute en était un dans les champs), nos mitrailleuses eurent bientôt raison de ces résistances. L’attaque à la baïonnette fut ordonnée contre l’aile droite. Les Français durent regagner leurs positions principales d’où leur artillerie tâchait de nous arrêter, mais en vain. Nous avancions toujours. Les champs jonchés de cadavres français[32] montrent l’acharnement de la lutte. Notre artillerie prit l’ennemi sous ses feux. A gauche, les Français se replient sur Dieuze. Le chemin de Vergaville à Guebling était jonché de pantalons rouges. » 

Un chasseur alpin français raconte :

« Lorsque le matin arriva, nous entendîmes, dans le lointain, les coups de feu des éléments de sûreté qui se repliaient sur le village de Vergaville. C’était la formidable offensive allemande qui venait de se déclencher à son tour et qui força l’armée de Lorraine à se replier sur Nancy et sur Lunéville… Bientôt, pendant que le soleil se levait, nous eûmes une vision qu’il vaut vraiment la peine d’évoquer. Environ à 800 mètres de nous se profilait une crête. A cette crête apparurent d’abord les patrouilleurs, puis les unités ennemies qui, brusquement, se déployaient lorsqu’elles arrivaient à la ligne de faîte. On voyait les fantassins grisâtres se porter en courant vers la droite et vers la gauche, et dégringoler la pente au plus vite pour aller chercher un abri dans un chemin creux, en progressant droit sur nous. La répétition régulière de ce déploiement avait quelque chose de beau et de menaçant tout à la fois. Mais nous ne restions pas inactifs et mes hommes, abrités derrière leur mur, tiraient sans arrêt sur cette véritable avalanche humaine ; car les troupes ennemies qui poussaient ainsi de l’avant et marchaient sur Dieuze étaient vraiment nombreuses. » [33]

La retraite est inévitable.

« Vers 7 heures nous voyons arriver des hommes du 111e disant qu’ils avaient pris un petit village, mais qu’ils ne pouvaient pas tenir les positions et que le régiment se repliait. Peu après nous voyons rappliquer le 111e et le 112e puis l’artillerie qui part, une pièce tirait et l’autre reculait, ainsi de suite. Nous recevons l’ordre de rester les derniers pour protéger la retraite.

Enfin, on nous dit de battre en retraite nous faisons demi-tour et partons en colonne par deux sans une pluie de balles, de shrapnells et de marmites. À 50 mètres se trouvait un canal, tout le monde y saute dedans, nous avions de l’eau jusqu’à la ceinture beaucoup s’y sont noyés, après nous ne pouvions pas marcher, les pantalons et la capote étaient collés aux jambes et les balles pleuvaient de plus en plus. »[34]

« Nous[35] errâmes longtemps dans Dieuze avec mon camarade, à la recherche du bataillon. Mais, quand nous le retrouvâmes, il errait encore plus que nous. Il faut reconnaître qu’un sublime désordre régnait dans la petite ville lorraine : fantassins, artilleurs traînant leurs encombrants caissons, trains de combat, et trains régimentaires, brillantes automobiles de nos brillants états-majors, tout cela se rencontrait, se croisait, ne sachant trop que faire ni où aller. Cela sentait sinon la retraite, du moins un repli précipité.»

« Il paraît qu’il y a eu des incidents la nuit dernière. 2 bataillons du 173ème se sont tirés dessus. Le 55ème et le 173ème se seraient fusillés réciproquement. Ce sont les coups de feu dont on parlait au téléphone… Quelle retraite ! Il paraît que le XVème Corps est anéanti. C’était bien mon impression au départ. » [36]

&    21 août, « Assisté à la terrible retraite de Dieuze : trois jours, trois nuits durant, se battre la journée, battre précipitamment en retraite la nuit, sans nourriture ni repos… Hier en fin d’après-midi, pendant que je marchais depuis tant de temps, les yeux fixés sur les talons de celui de devant pour oublier cette séance de rotage avec tout le barda, quelqu’un a crié : des prunes, les gars y’a des prunes ! Alors on a tous quitté la file pour se jeter sur ces pauvres arbres dont on a même cassé les branches pour se gaver bien que les prunes soient encore vertes au risque d’attraper une bonne “cagagne[37][38] ! »

&    22 août : « Communiqué officiel : En Lorraine nos troupes se replient. [39]

L’Affaire « la légende noire »

Le 21 août Joffre commandant en chef des armées téléphone à Messimy, ministre de la guerre

« L’offensive en Lorraine a été superbement entamée. Elle a été enrayée brusquement par des défaillances individuelles ou collectives qui ont entraîné la retraite générale et nous ont occasionné de très grosses pertes.

J’ai fait replier en arrière le 15e Corps, qui n’a pas tenu sous le feu et qui a été cause de l’échec de notre offensive. J’y fais fonctionner ferme les Conseils de Guerre [40]»

Samedi 22 août, on peut lire à Paris [41]:

« Communiqué officiel : En Lorraine nos troupes se replient »

« On sait qu’après avoir reconquis la frontière, nos troupes s’étaient avancées en Lorraine sur tout le front, du Donon jusqu’à Château Salins.

Elles avaient refoulé dans la vallée de la Seille et la région des étangs les troupes allemandes, et nos avant-gardes avaient atteint Delme, Dieuze et Morhange.

Dans la journée d’hier, plusieurs corps d’armée allemands ont engagé sur tout le front une vigoureuse contre-attaque.

Nos avant-gardes s’étant repliées sur le gros, le combat a commencé, extrêmement vif de part et d’autre. En raison de la supériorité numérique de l’ennemi, nos troupes, qui se battaient depuis six jours sans interruption, ont été ramenées en arrière.

Notre gauche couvre les ouvrages avancés de Nancy. Notre droite est solidement installée dans le massif du Donon.

L’importance des forces ennemies ne nous eut permis de nous maintenir en Lorraine qu’au prix d’une imprudence inutile. »

24 août 1914 Le Matin [42] : « La vérité sur l’affaire du 21 août. Le recul en Lorraine. »

«L’inébranlable confiance que j’ai dans la valeur de nos troupes et la résolution de leurs chefs me donne la liberté d’esprit nécessaire pour m’expliquer sur l’insuccès que nos armes viennent de subir en Lorraine. Un incident déplorable s’est produit.

Une division du 15e Corps, composée de contingents d’Antibes, de Toulon, de Marseille et d’Aix, a lâché pied devant l’ennemi. Les conséquences ont été celles que les communiqués officiels ont fait connaître. Toute l’avance que nous avions prise au-delà de la Seille, sur la ligne Alaincourt, Delme et Château-Salins a été perdue ; tout le fruit d’une habile combinaison stratégique, longuement préparée, dont les débuts heureux promettaient les plus brillants avantages, a été momentanément compromis. Malgré les efforts des autres corps d’Armée, qui participaient à l’opération, et dont la tenue a été irréprochable, la défaillance d’une partie du 15e Corps a entraîné la retraite sur toute la ligne.

Le ministre de la Guerre, avec sa décision coutumière, a prescrit les mesures de répression immédiates et impitoyables qui s’imposaient. L’heure n’est plus, en effet, aux considérations de sentiment. Tout le monde doit être aujourd’hui convaincu, du général en chef au dernier soldat, qu’il n’y a en face de l’ennemi, qu’un devoir, que nos aïeux de la Révolution ont su faire accomplir : vaincre ou mourir.

Nous sommes assez forts et assez sûrs de nous pour reconnaître les fautes dès qu’elles se sont commises et avouer le mal aussitôt qu’il apparaît. Nous avons l’inébranlable résolution de réparer les unes et de remédier à l’autre. Aussi bien l’incident, pour navrant qu’il soit, sera-t-il nous en avons la ferme conviction, sans lendemain. D’ailleurs il faut dire qu’il doit être sans influence sur l’ensemble de la manœuvre. Surprises sans doute par les effets terrifiants de la bataille, les troupes de l’aimable Provence ont été prises d’un subit affolement. L’aveu public de leur impardonnable faiblesse s’ajoutera à la rigueur des châtiments militaires. Les soldats du Midi, qui ont tant de qualités guerrières, tiendront à l’honneur d’effacer, et cela dès demain, l’affront qui vient d’être fait par certains des leurs, à la valeur française. Elles prendront, nous en sommes convaincus, une glorieuse revanche et montreront qu’en France sans distinction d’origine, tous les soldats de nos armées sont prêts, jusqu’au dernier, à verser leur sang pour assurer contre l’envahisseur menaçant le salut de la patrie.

A.Gervais sénateur de la Seine ».

 

Les réactions.

Elles furent immédiates et variées. Informé par Messimy, Clemenceau écrit

« …Notre 15e Corps a cédé à un moment de panique et s’est enfui en désordre sans que la plupart des officiers aient fait paraît-il tout ce qui était de leur devoir pour l’empêcher… On connaît la nature impressionnable des méridionaux. Ils sont capables d’aller jusqu’aux extrémités de la vaillance et je suis sûr qu’à l’heure présente, ils ne souhaitent rien tant que de se réhabiliter ; Ce jour là ils ont déplorablement failli et paraît-il avec trop d’ensemble. Qu’on les encadre et qu’on les mène au plus fort du feu pour leur donner sans retard la chance de réparation à laquelle leur passé leur donne droit! »[43]»

Le gouvernement publie ce démenti.

« Un journal du matin a annoncé qu’une division du 15eCorps avait lâché pied devant l’ennemi, ce qui aurait eu des de graves conséquences pour la suite des opérations. Le fait présenté sous cette forme est inexact : quelques défaillances individuelles bien regrettables ont pu se produire ; Elles ont été suivies de répressions nécessaires mais elles n’ont pas eu l’importance qui leur a été attribuée ; il serait injuste de faire peser la faute de quelques-uns sur tous les soldats d’une région dont les citoyens sont comme tous les autres prêts à donner leur vie pour leur pays.

Un blâme a été adressé au journal qui avait publié cette information.[44]»

D’autres parlementaires réagissent

« Monsieur le Ministre,

Profondément ému par l’article publié dans le Matin de ce jour, sous la signature de monsieur le sénateur Gervais, je me suis présenté à votre cabinet, avec le sénateur Mascle, pour faire entendre notre protestation et vous demander des explications.

Il n’y a pas aujourd’hui de recrutement régional, d’origine de cadres, ni de fixité de garnison qui permettent de stigmatiser et d’outrager telle ou telle région de la France.

Si des faiblesses ou une panique se sont produites, il faudrait encore savoir où, comment et pourquoi !

Et il nous est interdit de rien vérifier, de rien discuter.

Quant aux sanctions, elles relèvent de l’armée et non d’un appel intempestif à une opinion publique troublée et prodigieusement mal renseignée.

La censure militaire s’exerce avec une telle rigueur que des journaux ont été frappés pour avoir laissé deviner des emplacements d’unités ou des numéros de régiments.

Comment admettre dès lors qu’elle ait laissé passer un réquisitoire inique et incontrôlable contre les populations qui, en 1870, et dans toutes nos campagnes coloniales, ont montré tant de bravoure et versé si généreusement leur sang ?

Nous attendons, monsieur le Ministre, votre réponse, et vous prions d’agréer l’assurance de notre haute considération. »[45]

« 25 août, comme député de Marseille, comme Français je proteste avec indignation contre l’article publié par vous…

Consultez la liste des morts, vous y verrez quel est le contingent de « l’aimable Provence » puisque aussi bien vous avez le cœur de plaisanter à pareille heure. Allez dans nos hôpitaux, vous y verrez combien de provençaux blessés y sont étendus… [46]»

Les maires varois de Hyères, de Saint-Raphaël et de Sanary interdisent la vente du Matin,

« En raison des inconvénients que pourrait représenter la vente de ce journal pour la bonne administration. »[47]

celui de Toulon (83)

« Il est outré d’avoir à constater que monsieur Clemenceau ait eu l’inconscience de venir apporter à l’acte méprisable de son collègue du Sénat l’autorité que lui donne sa double qualité de sénateur du Var et d’ancien président du Conseil et voue les actes de ces deux représentants du peuple au mépris public. »[48]

celui d’Aix en Provence (13)

« Il s’est trouvé un homme, un sénateur indigne du nom de Français, insulteur de ceux qui sont stoïquement tombés, insulteur de la douleur de ceux qui restent ! Vous vous disiez peut-être, monsieur, qu’étant à peu près tous morts au feu ou blessés, il ne resterait plus un enfant de cette « aimable Provence » pour vous faire rentrer vos insultes dans la gorge ? … Je viens vous demander quel intérêt si puissant vous portez aux Allemands d’aujourd’hui pour avoir écrit l’article infâme ? J’attends votre réponse. »[49]

celui de Sorgues (84)

« Monsieur le Maire dit qu’il convient de protester énergiquement contre l’accusation que l’on a lancée contre la conduite des troupes du XVème corps entre autre le 58éme régiment d’infanterie d’Avignon se sont fait glorieusement décimer à leur poste de combat. »[50]

La presse locale relaie ces positions :

 « Un marchand de fromages du nom de Gervais, sénateur pour la honte du Sénat, s’est livré contre le Midi aux plus basses diffamations qui se puissent écrire. ».[51]

« L’article de M le sénateur Gervais a provoqué dans notre région une émotion considérable. « Le Matin » s’en tire avec un blâme soit ! Au « Petit Var » nous estimons qu’il convient de ne pas prolonger cet incident dans l’intérêt supérieur de la défense.

On s’expliquera plus tard.

En attendant la petite patrie continue à faire son devoir, elle ne songe qu’à la grande patrie. [52]»

Gervais est traité « honte du sénat et fumier de la presse ».[53]

La population locale interpelle

«Monsieur le préfet,

Au nom de la population de Marseille et au nom des pères de famille provençaux qui ont leurs fils à l’armée, tués ou blessés pour la patrie, nous venons protester énergiquement contre l’article du journal Le Matin diffamant notre patriotique Provence.

Nous vous prions de bien vouloir faire parvenir notre protestation indignée au ministre de l’Intérieur et au ministre de la Guerre, protecteur né de l’armée française.

Nous espérons que des mesures très énergiques seront prises contre ce sénateur, mauvais Français, qui, au moment où l’union est si nécessaire, cherche à diviser notre France au profit de l’étranger, en supprimant la vente de ce journal.» [54]

« Vous avez écrit dans le journal, Le Matin un article indigne d’un bon français… Vous, vous avez trouvé bon de jeter l’ironie et le mépris sur toute une série de régiments qui se font tuer à la frontière…

Mais avez-vous réfléchi, avant de dénoncer au public comme coupables de fuite, les contingents de toute la région provençale ? Avez-vous pensé que ces régiments-là ont déjà rempli les hôpitaux de leurs blessés ; et qu’ici bien des pères de famille pleurent déjà leurs fils, morts dans les défilés des Vosges ?

Ces jeunes héros ne se lèveront pas pour répondre à vos injures. Mais je peux vous dire moi, M le sénateur qu’en écrivant ce que vous avez écrit, vous avez commis une action mauvaise et méprisable [55]».

Le sous-préfet de Toulon note :

« La stupeur de la population, puis la colère qui succéda à l’abattement du premier moment [56]»

 

Les autorités tentent de se racheter, l’Union Sacrée est à ce prix.

Le 15e Corps qui depuis la dernière affaire, fortement éprouvé, avait été replié en arrière et s’était reconstitué faisait partie d’une des deux armées combinées. Il a exécuté une contre-attaque très brillante dans la vallée de la Vezouze. L’attitude a été très belle et montre qu’il ne reste aucun souvenir de la surprise du 20 août.[57]»

« Mes yeux sont tombés sur le prétendu démenti hypocritement infligé à M. le sénateur Gervais. Je m’inscris en faux contre le démenti de M.Messimy qui est bien placé pour savoir de qui je tiens mes informations accompagnées de cette remarque : « Ce sont vos électeurs »… Sans doute il y a eu de très fâcheuses faiblesses dont je ne veux point chercher la cause aujourd’hui…[58] »

« Je n’ai d’ailleurs jamais douté, personnellement de la volonté profonde du Midi tout entier, communiant patriotiquement avec toutes les régions du pays pour la Défense nationale, d’accomplir jusqu’au bout tout son devoir. Je l’ai d’ailleurs proclamé expressément et plus que jamais j’ai une foi profonde dans les vertus guerrières de toute la France provençale… [59]»

« Le gouvernement rend hommage au patriotisme des provençaux.[60]»

« Il ne s’est produit dans le 15e Corps lors de la première surprise que quelques désordres individuels et non une défaillance générale ; et ni ce Corps, ni la vaillante région que vous représentez et dont le vibrant patriotisme est connu de la France entière ne peut se voir l’objet d’une imputation générale. Ce 15e s’est d’ailleurs depuis très vaillamment comporté [61]».

« les soldats de votre région ont fait magnifiquement leur devoir, ils ont droit à une éclatante justice [62]»

 

Conséquences

Insultes, vexations, sarcasmes sont le lot quotidien des soldats du Midi.

Déjà le 11 août lors de la défaite Lagarde on avait dit que le 58e R.I d’Avignon

« n’avait pas fait ce qu’il devait faire, qu’il avait manqué au Devoir militaire en ne tenant pas sur ses positions et que le temps des discours d’Avignon était terminé et que la seule façon de laver la faute était de se sacrifier ici, les Provençaux avaient prouvé ce qu’ils étaient [63]» 

un rapport parlementaire recense les insultes et actes d’hostilité et d’inhumanité

« On ne veut pas de lâches dans l’hôpital ! [64]»

« Quand un blessé va à Verdun on ne le soigne presque pas, il est mal vu, on le regarde comme un chien » [65]

« Ce sont deux blessés du XVe corps qui vous écrivent pour vous demander, vous supplier de faire savoir à tous que les soldats du Midi font tout leur devoir… dites cela et vous ne ferez pas seulement plaisir, vous rendrez service, vous rendrez justice à toute une province… car nous rencontrons encore des gens du Nord qui « rigolent » sur notre passage. »[66]

« Ah ! C’est vous le 173e ? vous êtes tous des lâches et on devrait vous fusiller [67]»

« Eh bien les gars de Nice, j’espère que vous vous conduisez mieux ! Que vous ne foutez plus le camp [68]».

« Vous êtes bons à recevoir des balles dans le cul et à lever la crosse en l’air. [69]»

« Me voilà obligé d’empêcher les hommes [du 15e] de venir acheter un litre ou un paquet de tabac [70]»

« Eh ! Bien, les gars du 15e est-ce que vous avez fini de foutre toujours le camp ? [71]»

« Et maintenant tas de rosses, vous allez rejoindre votre bataillon, si vous ne voulez pas qu’on vous y pousse à coups de pied dans le cul. [72]»

« S’adressant à un soldat de l’Est, il lui dit : Vous, vous êtes bien un Français de France.

A un autre : vous êtes d’Aubagne ? Ça ne m’étonne pas. A porter sortant.

A un troisième : celui-là est de Nice. Je suis tranquille. Il restera plusieurs mois à l’hôpital.

Vous êtes du Nord ? Bien, bon soldat, tous mes compliments. Un mois de convalescence.

Vous êtes méridional ? Ça ne m’étonne pas. Les Méridionaux ne valent rien.

Et ainsi de suite. Il n’est pas jusqu’à un malheureux tirailleur tunisien, engagé, ayant fait déjà fait trois campagnes, qui n’ait eu son paquet, sans doute parce qu’il « était encore plus du Midi que nous. [73]»

« Ah ! Ces gens-là, ces hommes de la crosse en l’air qui sous prétexte du soleil du Midi qui mûrit leurs idées sont la plupart des révolutionnaires anarchistes et socialistes antipatriotes et si nous avions eu à faire qu’à eux, il y a longtemps que nous serions sous la botte allemande. [74]»

« Nos troupes se sont vaillamment conduites à part les régiments du Midi… ces gens de T… n’ont que du bagou. Des exemples vont être faits et les hommes convaincus d’abandon de leurs postes, fusillés. Cet exemple est nécessaire et sera salutaire…; heureusement que nous ne sommes pas tous de T… et de Tarascon. Mais ces régiments vont être doublement punis car ils vont être remis aux premières lignes. Je n’ai jamais eu beaucoup de confiance dans ces gens du Midi qui nous gouvernent depuis 30 ans ; j’en ai de moins en moins. [75]»

 

La réhabilitation

« La fédération de l’arrondissement de Toulon invite chaque union locale des poilus à organiser dans la commune, le jour des fêtes officielles de la Victoire une manifestation publique pour confondre les calomniateurs du 15e Corps, en déclarant simplement mais avec fierté légitime, que nous tenons à honorer les gens de chez nous, les poilus de Provence qui ont vengé héroïquement l’honneur de notre pays, des imputations mensongères de quelques politiqueurs. La calomnie est l’arme des envieux !

La fédération engage chaque union des poilus à réclamer et à obtenir du comité local ou de la municipalité une inscription lapidaire sur le monument projeté à la mémoire des tués à l’ennemi pour transmettre à la postérité le souvenir des actes mémorables des hommes du 15e corps [76]»

« Grande manifestation à la gloire du XVe corps.

L’initiative de la commune de Pierrefeu marque une date dans les annales de Provence. [77]»

Celle-ci dénomme une place « soldats du 15e corps » ; D’autres communes feront de même.

 « Sur ces tombes de nos camarades dormant pour toujours sous la terre aimée de notre belle Provence, nous jurons de lutter sans relâche pour détruire l’opinion qui a été le néfaste résultat d’une odieuse calomnie pour obtenir qu’un solennel hommage soit rendu à la vaillance du 15e corps. [78]»

 

« L’abominable légende créée contre le 15e Corps est un crime. [79]»

 

 

GLOIRE AU XVe CORPS[80]

Soldat, sur ton chemin pourquoi baisser la tête ?

Là-haut dans la fournaise où l’airain fait tempête

Tu viens de vaincre encor !

Passant, regarde nous et que ton oeil s’irrite

C’est nous les parias sans gloire et sans mérite

Ceux du Quinzième Corps !

 

C’est nous que le mépris couvrira de son ombre

Parce que vingt mille trembleurs, accablés par le nombre

Ont peut-être faiblis

Dix mille conquérants flétris par l’anathème

Ayant tels des héros reçus le grand baptême

Périront dans l’oubli.

 

C’est nous les corrompus, les forçats de la gloire

A qui les paysans refuseront à boire

Au seuil de leur logis.

Quand nous nous traînerons, râlant, claquant la fièvre

Ils nous diront alors, la haine au bout des lèvres

« Non, tu es du Midi ! »

 

Notre nom, à jamais, est banni de l’Histoire

Nos blessés n’auront pas droit de chanter victoire

Qui là-haut sont couchés.

Sans que Gervais, tranquille à l’abri des bagarres

Leur dit en savourant lentement son cigare ;

« Tais-toi tu as flanché ! »

 

Pourquoi n’a t’on pas fait, car la chose est honteuse.

Taire la calomnie aux cent bouches hideuses

Aux lazzis écœurants ?

Quand, de l’invasion la France est le théâtre

Face au même ennemi aurait-elle du battre

De deux cœurs différents ?

 

Et pourtant nous avons en modernes Horaces

D’un même élan lavé le renom de la race

A même notre sang

Les poilus d’Avignon, de Marseille ou de Nice

Ont tous, dans la beauté du même sacrifice

Lutté dix contre cent !

 

Ne sais-tu pas Gervais, qu’à Étain ou à Dieuze

De la Lys à Verdun, de Belfort à la Meuse

Dans le chaos d’enfer

Nos frères du quarante et du trente huitième

Ont tous bravé la mort. O soldats, on vous aime

Et de vous on est fier.

 

De notre régiment ils partirent deux mille

Calmes, la joie aux yeux pour conquérir les villes

Au choc de leurs assauts :

Et, quand après la lutte ils se comptèrent

Il n’y en eut hélas que cent qui retournèrent

Mais avec leur drapeau !

 

N’est-il pas de chez nous ce héros anonyme

Ce modeste sergent d’un régiment de Nîmes

Qui avec ses soldats

Cerné par les Prussiens qui coupaient la retraite

Et criaient « Rendez-vous » dit en dressant la tête

« M’avès pas regarda ! »

 

Vous pouvez l’air moqueur, vous les phraseurs néfastes

Dire, pour allumer des querelles de castes

« Le Midi a bougé ! »

Oui, le Midi se dresse et morbleu quand il bouge

C’est pour bondir au front et baiser le sol rouge

Du sang de l’étranger.

 

Vous pouvez de chez vous, dos au feu, ventre à table

Dénigrer lâchement nos enfants admirables

Sinistres étourdis !

Oublierais-tu Gervais dans ta morgue hautaine

Que notre chef à tous, notre grand capitaine

Que Joffre est du midi ?

 

Oui, nous effacerons cette immonde souillure

Et c’est nous qui serons de la France future

Les meilleurs ouvriers.

Nous mourrons en chantant la marche bien française

L’hymne qu’on baptisa la grande Marseillaise

Le chant des Marseillais.

 

Gloire à vous, les Nîmois et les fils de Provence !

Gloire à vos bras vengeurs car de toute vaillance

Vous battez les records

Honneur à vos drapeaux qui flottent dans l’Argonne

A vous tous les lauriers et toutes les couronnes

Gloire au Quinzième corps !

 

 

Pour compléter vos connaissances voir http://15ca.site.voila.fr/



[1] Journal de Paul Fontanille, Sergent-Major au 6e Bataillon de Chasseurs Alpins. Retranscrit par Michel Benoit.

[2] Carnet d’un soldat du 3e RI. de Digne/Hyères. Transmis par Claude Chanteloube.

[3] Le Var entre en guerre par Claude Chanteloube Bulletin annuel n°124 des amis du vieux Toulon. 2002.

[4] Les raisins sont bien beaux : Correspondance de guerre d’un rural 1914-1916 par François Victor André. Fayard. Orthographe respectée.

[5] Les raisins sont bien beaux : Correspondance de guerre d’un rural 1914-1916 par François Victor André. Fayard. Orthographe respectée.

[6] Lettre du 2 août de Joséphin Adam. Orthographe respectée. Retranscrit par Thierry Adam.

[7] Chacun boucla..

[8] Trinquer.

[9] Les raisins sont bien beaux : Correspondance de guerre d’un rural 1914-1916 par François Victor André. Fayard. Orthographe respectée.

[10] Les raisins sont bien beaux : Correspondance de guerre d’un rural 1914-1916 par François Victor André. Fayard. Orthographe respectée.

[11] Lettre d’un soldat d’Entrecasteaux (83) Emilien Dubourg à sa femme. Maurice Mistre-Rimbaud « Des Républicains diffamés pour l’exemple » 2004.

[12] Carnet d’un soldat du 3e RI. Transmis par Claude Chanteloube.

[13] Journal de Paul Fontanille, Sergent-Major au 6e Bataillon de Chasseurs Alpins. Retranscrit par Michel Benoit.

[14] Lettre de Victor François André du 111e RI fait prisonnier le 20 août 1914 à Bidestroff (Lorraine). Les raisins sont bien beaux. Raybaud. Orthographe corrigée.

[15] Journal de Paul Fontanille, Sergent-Major au 6e Bataillon de Chasseurs Alpins, 9 août. Retranscrit par Michel Benoit.

[16] Lettre du 12 août de Jules Pascal du 111e RI à sa mère à Trigance (83). Retranscrit par Gilbert Suzan.

[17] Carnet d’un soldat du 3e RI. Transmis par Claude Chanteloube.

[18] Louis Donati, artilleur au 55e RA, le 9 août 1914. Retranscrit par Olivier Gaget.

[19] Un sergent du 20e corps d’armée. http://dtriaudmuchart.free.fr/guerre_1914.htm

[20] Les conscrits de Provence, de Nîmes à Nice, en passant par la Corse sont incorporés au 15e Corps d’armée.

[21] Lettre datée du 12 août de Jules Pascal du 111e RI à sa mère. Retranscrit par Gilbert Suzan.

[22] Carnet d’un soldat du 3e RI, attaque de Moncourt (57). Transmis par Claude Chanteloube.

[23] La Dépêche, 20 juin 1915, « La véridique histoire du XVe corps ». Maurice Mistre-Rimbaud « Des Républicains diffamés pour l’exemple » 2004.

[24] Carnet de Émile Rocca, du 24e Bataillon de Chasseurs Alpins de Villefranche. Retranscrit par Jean Pierre Rocca.

[25] Historique 23e BCA de Grasse.

[26] Journal de Paul Fontanille, Sergent-Major au 6e Bataillon de Chasseurs Alpins. Retranscrit par Michel Benoit.

[27] Toussaint Martelli sergent major 173e RI de Corse, le 19 août à Dieuze. Retranscrit par Monique Bourgeois.

[28] Alexis Calliès, capitaine d’artillerie – Carnets de guerre.

[29] Un soldat du 141e RI de Marseille Le Petit Marseillais du 30 janvier 1915. Maurice Mistre-Rimbaud « Des Républicains diffamés pour l’exemple » 2004.

[30] Benestroff.

[31] Un combattant allemand lodace.com/histoire/bataille.

[32] Ils recevront la médaille militaire avec cette citation pour Jules Pascal « Soldat dévoué et plein d‘entrain. Tué glorieusement à son poste de combat le 20 août à Dieuze. Croix de guerre avec étoile de bronze. »

[33] Carnet d’un officier d’alpins. Maurice Mistre-Rimbaud « Des Républicains diffamés pour l’exemple » 2004.

[34] Carnet d’un soldat du 3e RI. Transmis par Claude Chanteloube.

[35] Un soldat du 141e RI de Marseille Le Petit Marseillais du 30 janvier 1915.

[36] Témoignage de Jean Giraud, cavalier au 6ème régiment de Hussards, éclaireur au 173ème RI. Retranscrit par Olivier Gaget.

[37] Diarrhée en provençal.

[38] Émile Rocca du 24e bataillon de chasseurs alpins. Retranscrit par Jean Pierre Rocca.

[39] Le Matin. Maurice Mistre-Rimbaud « Des Républicains diffamés pour l’exemple » 2004.

[40] 21 août, 19h, Joffre téléphone à Messimy : Sa transcription se trouve dans les télégrammes adressés par Joffre au ministre de la Guerre.

[41] Le Matin. Maurice Mistre-Rimbaud « Des Républicains diffamés pour l’exemple » 2004.

[42] L’article infamant.

[43] Clemenceau, dans son journal « L’Homme Libre » du 25 août 1914.

[44] 24 août, démenti du gouvernement.

[45] Lettre de Thierry député et de Mascle sénateur. 24 août 1914.

[46] Lettre du député Bouge à Gervais.

[47] Avis municipal de Sanary du 27 août 1914.

[48] Conseil municipal de Toulon du 26 août 1914.

[49] Le Petit Provençal du 26 août 1914, au conseil municipal, le maire d’Aix-en-Provence à Gervais.

[50] Conseil municipal de Sorgues (84) Séance du 30 août 1914.

[51] Le 25 août le Journal de Nice cité par Michel Bourrier, Villages de montagne à l’heure de la Grande Guerre.

[52] Le Petit Var du 26 août 1914. Maurice Mistre-Rimbaud « Des Républicains diffamés pour l’exemple » 2004.

[53] Le Petit Marseillais, 26 août 1914.

[54] Le Petit Provençal du 26 août 1914.

[55] La lettre ouverte à Gervais, d’un médecin en retraite, Le Petit Var 26 août 1914.

[56] 27 août, le sous-préfet de Toulon.

[57] 25 août : communiqué de Joffre.

[58] 26 août : Clemenceau dans L’Homme Libre.

[59] Gervais dans les colonnes du Matin, le 27.

[60] 28 août : Le Petit Var

[61] 28 août : Le Petit Var télégramme de Viviani à Berthon et Abel.

[62] Déclaration de Millerand à l’Assemblée après le 26 août 1914.

[63] 11 août 1914, déclaration d’un lieutenant du 20e corps, lettre du Colonel Jaguin du 58ème.

[64] Rapport Tissier 30 janvier 1915.

[65] Chacun sa guerre. 596 lettres d’un jeune Marseillais au front. C.Chanteloube

[66] Deux artilleurs à Gustave Téry du Journal 2 janvier 1915.

67 Le 24 août 1914, un commandant d’artillerie du 20e. Rapport Colonel Chatillon du 173ème de Bastia.

[68] 5 octobre 1914, un officier supérieur invective le 6e bataillon de chasseurs alpins. Rapport Tissier.

[69] Un gouverneur militaire à Dijon devant un régiment territorial du 15e. Rapport Tissier.

[70] Rapport Tissier, un sergent du 6e Corps.

[71] Un officier des dragons du 3e Corps. Rapport Tissier.

[72] Un médecin divisionnaire du 5e Corps examinant neuf blessés du 15e. Rapport Tissier.

[73] Attitude d’un médecin-inspecteur visitant à Nice, un hôpital. Rapport Tissier.

[74] Médecin militaire recevant des blessés de la XVe région en 1916. Claude Chanteloube.

[75] Extrait d’un carnet d’un sous-officier du 362e RI. 28 août 1914. http://etienne.jacqueau.free.fr/14Aout.htm

[76] Le 3 juillet Le Petit Var motion de la fédération des « poilus ».

[77] Le Petit Var du 7 juillet 1919.

[78] 14 juillet, Gensollen, le maire de Hyères.

[79] A l’Assemblée nationale, le 18 octobre 1919, Georges Leygues ministre de la marine.

[80] Sergent D. Montagnard février 1915.