Les acteurs de la Seconde République dans le Gers

article publié dans le Bulletin de la Société archéologique, historique, littéraire et scientifique du Gers, numéro 385 – 3ème trimestre 2007

Société archéologique du Gers – 13 place Saluste du Bartas BP 16 32001 Auch cedex www.societearcheologiquedugers.com

Les acteurs[1] de la Seconde République dans le Gers[2]

 

par Renée COURTIADE

 

 

 

La chute de Louis-Philippe et la formation du gouvernement provisoire sont connus à Auch dès le 25 février par une dépêche de Ledru-Rollin. Des groupes se forment devant l’hôtel de ville commentant l’évènement ; le maire, Duran, démissionne ; le lendemain une foule envahit la mairie, une commission provisoire est nommée, formée de 7 membres dont Alem-Rousseau.

 

Le préfet étant en congé, la Commission nomme Alem-Rousseau chef de l’administration départementale. Il convoque la Garde nationale pour le 27 et harangue la population.

 

Le 28 la Commission proclame la République (proclamation rédigée par Alem-Rousseau).

 

Les autres villes du Gers, les chefs lieux de canton connaissent la même effervescence. Spontanée au départ, la République va être organisée par Alem-Rousseau en tant que préfet intérimaire (6 jours) puis par Pégot-Ogier nommé Commissaire de la République par Jacques Joly que Ledru-Rollin avait chargé de la Haute-Garonne et du Gers[3].

 

Alem-Rousseau maintien la paix et  prend des décrets : il remplace le sous-préfet de Mirande par Ducos, agent de change et nomme Canteloup président de la Commission municipale d’Auch. Le 29 février il envoie une circulaire à tous les maires leur enjoignant de proclamer la République et de réorganiser les gardes nationales dont les officiers sont élus par les gardes eux-mêmes. Utilisant la persuasion plutôt que la force, il est écouté et, partout en même temps, s’installent des Commissions provisoires chargées de l’administration municipale.

 

 

Jean-Baptiste Pégot-Ogier lui succède le 6 mars. C’est un ami de Joly, un républicain convaincu comme toute sa famille, de Saint-Gaudens (Haute-Garonne) ; dès le 25 février il est aux côtés de Jacques Joly dans la Commission départementale et municipale qui prend en charge la Haute-Garonne. C’est donc un homme sûr que choisit Jacques Joly pour le Gers. Le nouveau Commissaire de la République  délègue dans les arrondissements : Lamarque à Condom, Carbonneau à Lectoure, Sahuqué à Lombez, Ducos à Mirande[4] ; il réorganise les tribunaux et les Gardes nationales.

 

Le Gers est républicain dans les campagnes comme dans les villes à l’exception de l’arrondissement de Lombez qui reste majoritairement légitimiste. Il sera difficile d’y nommer un Sous-commissaire sûr.

 

 

La  Seconde République naît dans une atmosphère de fête républicaine, d’enthousiasme collectif et d’illusions lyriques que Charles Baudelaire décrit ainsi : Ce moment unique dans l’histoire où les sentiments divers de tant d’individus ne furent qu’une immense espérance. Les historiens l’appellent la « République utopique ». Le Gers participe à cette fièvre.

 

C’est aux chef-lieux que la vie politique est la plus intense dès le 26 février ; quelques hommes, tous « républicains de la veille » y jouent un rôle majeur se dépensant sans compter pour établir solidement la République puis pour préparer les élections législatives. Mais naissent aussi des rivalités.

 

Ces hommes, dont les pères ont joué un rôle semblable pendant la période révolutionnaire, sont au cœur de cet article :  ils installent la République, durablement croient-ils, dans leur ville ; ils débattent et écrivent sa Constitution quand ils sont élus Représentants du peuple.

 

Ce tableau ne s’étend pas à l’arrondissement de Lombez qui reste sous l’influence du grand propriétaire terrien légitimiste, le Marquis de Panat. Cet avant-poste du conservatisme  ouvrira la seconde partie de ce travail : le triomphe du conservatisme dans le département au grand dam des républicains engagés.

 

Ceux-ci ont noms Alem-Rousseau, David et Boubée à Auch ; Belliard et Carbonneau à Lectoure ; Gavarret et Gounon dans l’arrondissement de Condom. Il faut y rajouter Lamarque et Duputz à Condom.

 

 

 

L’installation de la Seconde République dans le Gers (1848)

 

Les « républicains de la veille »

 

 

A Auch

 

 

ALEM-ROUSSEAU François

 

La notice le concernant dans le dossier notices sur les notables 1855 précise : généralement estimé pour son désintéressement.

 

Alem-Rousseau est bien connu des historiens du Gers et plusieurs articles du Bulletin de la société archéologique du Gers (BSAG) lui sont consacrés. Il est donc possible de ne rajouter à son portrait que ce qu’apportent les documents nouveaux ou qui n’ont été publiés ou évoqués que par Dagnan.

 

Il est né le 21 décembre 1793 à Aubiet (Gers)  où il décèdera le 25 janvier 1868 ( 7h30 du matin) ; il est fils de paysans aisés, Joseph Alem et Marie (ou Marie Louise) Dompnier très croyante et pieuse. (ferme de Bentajou pour son père et En Martinon pour sa mère, à Aubiet).

 

Son père lui avait donné les prénoms de François et de Rousseau. C’est un témoignage de la pénétration des idées des Lumières et plus particulièrement de celles de Rousseau dans la campagne même éloignée des villes.[5] On peut y voir une corrélation avec le foyer intellectuel très intense qui rayonnait sur tout le pays environnant[6] animé par Anne-Marie Daignan Marquis d’Orbessan. Daignan avait un profond respect du travail des paysans qui disent de lui, quand il est emprisonné par les Jacobins au pouvoir à Auch, qu’il a toujours été l’ami du peuple. Et ils demandent sa libération[7]. Peut-être Joseph Alem fréquentait-il ses salons ?

 

 

François n’a pas renié cet héritage puisqu’il accole le nom de Rousseau à son nom et qu’il donne à son fils le prénom d’Emile. Pourtant les relations avec son père ont dû être conflictuelles : en effet ce n’est qu’après la mort de son père que François se marie avec Marie Louise Ardit née à Auch le 10 novembre 1803 ; lors de ce mariage tous deux reconnaissent deux enfants. Insubordination mêlée d’admiration ?

 

Très jeune, il a participé aux guerres de l’Empire et a été plusieurs fois blessé lors des campagnes de 1812-1813. Il démissionne sous la Restauration.

 

Il fait alors des études de droit à Paris où il exerce une sérieuse influence sur la jeunesse étudiante. C’est l’un des orateurs de la loge maçonnique républicaine des «  Amis de la vérité » ; il écrit des lettres contre le préfet de police et est considéré comme un des étudiants les plus compromis de la capitale. Il y est arrêté pour avoir dirigé la manifestation organisée sur la tombe du jeune Lallemand, tué par une sentinelle des Tuileries. Il se défend lui-même et est acquitté.  Le Moniteur[8] contre tout usage, publie l’allocution.

 

Quelques mois plus tard, il a, disent ses amis, projeté de délivrer les quatre sergents de La Rochelle la veille de leur exécution : à la tête d’une petite troupe de quatre-vingt hommes, il prétendait marcher contre la prison de Bicêtre. Son plan ne se concrétise pas et les quatre sergents sont exécutés le 21 septembre 1822 ; ce tragique épisode sera évoqué par Victor Hugo dans Les derniers jours d’un condamné.

 

 

En 1823, Alem-Rousseau est chassé de Paris ; il parcourt la France en propageant les idées des carbonaris. Il se fixe à Auch comme avocat en 1823 et, n’ayant pas de fortune personnelle, devra travailler toute sa vie. ( Une notice individuelle précise fortune : peu[9]).

 

C’est un avocat réputé qui expose devant les juges les questions sociales et se déclare protecteur des personnes menacées pour leurs idées politiques ; il défend les principes d’éducation libre, et est très recherché parce qu’il a réussi à faire acquitter Mme Lacoste accusée d’avoir empoisonné son mari. Actuellement l’un des premiers avocats du barreau d’Auch. Mérite résultant plutôt de la nature excentrique de son esprit que d’une capacité réelle, est-il écrit dans la notice de 1855 !

 

 

Le 8 août 1830 il est nommé à l’unanimité adjudant major de la Garde nationale ; mais trouvant le nouveau pouvoir trop jeune il refuse.

 

Le 23 octobre 1831 Alem est nommé au conseil municipal d’Auch avec Boubée, David, Soullier… Souvent chargé de questions concernant la commune, il sait emporter l’adhésion de ses collègues. En 1833 il quitte le conseil municipal qui soutenait la politique de Louis-Philippe.

 

Dès 1834, il est un des chefs du parti Républicain à Auch où il fonde  Le pays  (journal du Gers paraissant trois fois par semaine). Le journal subit de nombreux procès et s’arrête au bout de huit ans. Il y écrit de nombreux articles.

 

Il est respectueux vis à vis des religions. Ainsi proteste-t-il contre une pétition hostile aux Jésuites, défend-il la liberté de l’éducation et intervient-il avec succès pour empêcher la destruction d’une croix de mission dans la ville d’Auch.

 

Pour Alem-Rousseau  les grands devoirs de fraternité  sont : inviolabilité du domicile, liberté des opinions et des consciences, respect des cultes, obéissance aux lois.

 

Ce « républicain de la veille » est choisi dès le 26 février 1848 pour présider la Commission exécutive d’Auch. Il quitte ce poste pour assurer l’intérim à la préfecture.

 

Il adhère à « l’Association démocratique des amis de la Constitution » dès sa création au niveau national, le seul du Gers.

 

La Commission municipale d’Auch est divisée et démissionne mais Pégot-Ogier la maintien et nomme Alem-Rousseau maire provisoire en raison des services importants rendus au département.[10]

 

Cette nomination est la source de conflits au sein du parti républicain et de l’hostilité de Canteloup. Dépossédé de la Mairie, celui-ci crée un journal dissident,  Franc-républicain, géré par l’ouvrier Laborde ; il y met en doute le républicanisme d’Alem-Rousseau comme il l’écrit à Joly : il accuse Pégot-Ogier et Alem-Rousseau de s’appuyer sur les prêtres et la noblesse[11]

 

 

Pour préparer les élections législatives deux comités rivaux se déchirent : le « Comité central » présidé par Canteloup, avec en 1er sur la liste Ledru-Rollin et le « Comité électoral républicain » présidé par Alem-Rousseau  et soutenu par le Commissaire de la République Pégot-Ogier. Son organe est le  Républicain du Gers. Les deux clubs sont installés « camin dret ».

 

Le 20 mars 1848, Alem-Rousseau veut créer à Auch un « club général » avec un ordre du jour et un règlement ; il dit avoir pris depuis vingt ans comme devise :  liberté pour tous . C’est un échec.

 

Le 1er avril la liste du Comité électoral républicain est constituée : David, Gounon, Alem-Rousseau, Dupetit, Gavarret, Subervie, Boubée, Carbonneau. Cette liste est remise en cause par les autres comités républicains, David étant jugé légitimiste et Alem-Rousseau trop proche de lui. Le préfet monte sa propre liste comprenant Alem-Rousseau et ayant à sa tête Ledru-Rollin et les Sous-commissaires entament une tournée dans les campagnes pour la faire accepter.

 

Alem-Rousseau publie sa profession de foi, imprimée, le 13 avril 1848 :

 

Devenu étudiant en droit à Paris, je me fis journaliste, et à Paris, alors, comme dans le Gers, plus tard, je ne crus pas que l’anonyme fût honnêtement possible. […]. C’était des temps d’agitation. Il dit qu’il y avait 30 000 jeunes hommes qui protestaient sur le tombeau de Lallemant et qu’il est allé en prison. Il précise que le Conseil royal l’exila pour 2 années de toutes les facultés du royaume et qu’il fût placé sous surveillance administrative du Préfet du Gers. D’après lui, lors des ordonnances de juillet, il aurait dû être à nouveau emprisonné mais le peuple d’Auch l’entoura.

 

Il écrit encore : Fondateur du journal d’opposition « Le Pays », je soutiens, comme un droit, l’égalité politique. […] Trésor public, trésor privé, inviolabilité du domicile des familles ; liberté des opinions et des consciences, respect de l’homme, des cultes et des temples, obéissance aux lois, soumission à la justice. […] Je n’admets pas même entre nous la distinction de la « veille » et du « lendemain ». […] voulant demeurer « représentant », ce que je fus citoyen, libre.

 

Auch le 13 avril 1848. ALEM-ROUSSEAU avocat, Maire d’Auch.[12]

 

 

Le 23 avril 1848 Alem-Rousseau est le 2ème élu du Gers avec 62 647 voix après Gavarret (64 589 voix). La liste du comité central est battue, en dehors des trois candidats communs. C’est le triomphe de l’opinion républicaine modérée.

 

 

Représentant du peuple en 1848

 

A la Constituante il siège parmi les Républicains modérés et fait partie de plusieurs commissions importantes ; il préside celle chargée de dépouiller les papiers trouvés en février dans les résidences royales et demande qu’aucune pièce concernant la vie privée ne soit publiée.

 

Il intervient peu à la tribune disant qu’il est en mauvais état de santé. Comme la majorité, il se rallie à Cavaignac après les évènements de juin.

 

Dans un article de son journal, Le pays, le 16 septembre[13], Alem-Rousseau rend compte de ses votes et écrit qu’il a voté en faveur du décret sur les rassemblements qui obstruaient et effrayaient Paris. Plus tard, la liberté des réunions politiques, à des conditions rassurantes a eu mon suffrage.

 

A propos du décret sur la transportation des insurgés de juin il écrit : en la compagnie de l’évêque de Langres, de M Victor Hugo […], réunis en comité de « fraternité » j’ai eu l’occasion de regretter bien amèrement que le décret ait confondu les grands et les petits coupables.

 

Il vote contre, quatre fois, l’autorisation de poursuivre Blanc et Caussidière. Et il conclue l’article ainsi : Que maintenant chacun me classe à sa fantaisie ; qu’on fasse de moi un réactionnaire, un ministériel, un montagnard ou tout simplement un républicain modéré et résolu.

 

Il ne se distingue donc pas de la majorité républicaine et vote comme elle lors des débats sur divers points de la Constitution ainsi que lors du vote de l’ensemble du texte. Clairvoyant, l’élection à Paris de Louis-Napoléon Bonaparte en tant que représentant du peuple, l’inquiète comme peut en témoigner cet éditorial (non signé) dans Le pays du 23 septembre[14] :

 

Républicains ! Prenez garde à vous ! Les élections de Paris ont donné la victoire au « citoyen » prince Louis-Napoléon Bonaparte […]. Il peut se créer un parti puissant, ne pas limiter son ambition aux vulgaires honneurs de la tribune, et escalader l’un après l’autre le consulat, la présidence et l’empire.

 

 

Alem-Rousseau semble avoir une grande influence politique à Auch et être redouté par les Commissaires de la République successifs y compris républicains. Ainsi, Prosper Barousse, nommé Commissaire de la République après l’élection de Pégot-Ogier à l’Assemblée constituante, à son arrivée, le 6 mai décrit la situation à Auch et dénonce deux factions qui n’ont aucun caractère politique [ Alem contre Canteloup] . Les deux chefs de parti ont des prétentions démocrates, mais rien que des prétentions. Alem a rallié à lui les légitimistes et les prêtres, Canteloup le juste milieu.[15] Barousse  veut installer à côté de ces coteries un vrai parti démocrate.

 

La campagne présidentielle est acharnée à Auch comme partout ; l’opinion se divise en trois courants : le Préfet (Belliard puis Pasquier), le journal  Le pays,  Alem-Rousseau et les modérés soutiennent Cavaignac et s’opposent à Louis-Napoléon Bonaparte. Les républicains avancés ou montagnards ont choisi Ledru-Rollin et organisent des banquets dans tout le Gers. Les conservateurs et mécontents se rallient à Louis-Napoléon Bonaparte.

 

 

Après l’élection de Louis-Napoléon Bonaparte, Alem-Rousseau participe sans éclat à la tentative de résistance de l’Assemblée Constituante face à la volonté de puissance du Prince-Président. Mais le Président impose la dissolution et fixe au 13 mai 1849 les élections législatives.

 

 

Lors des élections législatives de 1849, les républicains se divisent en deux listes : Alem-Rousseau est sur la liste des candidats républicains modérés ; il n’est pas élu et se représente aux élections partielles de juin (pour remplacer Lacave-Laplagne qui vient de mourir). Pourtant il n’a pas été choisi par le Comité démocratique central du Gers qui, pour éviter les dissensions locales, a choisi un candidat étranger au département mais suffisamment connu, Jean-Baptiste Pégot-Ogier ancien préfet. David aussi se présente.

 

L’Opinion mène campagne contre eux : ces métis politiques plus dangereux que les montagnards eux-mêmes, race d’hommes qui frayèrent la voie aux proscripteurs et aux bourreaux[16]. Et L’Egalité les dénonce ainsi: il est des ennemis plus dangereux que les « blancs » : ce sont les « bleus ».[17] Il obtient le 8 juillet : 2 286 voix (3ème)

 

 

Devant les menaces de coup d’état, Alem-Roussseau opte pour un rapprochement avec les montagnards et fonde un journal Le démocrate dont le premier numéro paraît le 6 novembre 1851 et qui prêche l’union pour défendre la constitution. Raynal en est le rédacteur. Mais les Montagnards et Duputz ne veulent pas de l’union.

 

 

Aux côtés d’Alem-Rousseau deux de ses amis de toujours

 

 

 

BOUBÉE Théodore

 

 

Né le 9 octobre 1794, son père ne le déclare que le 25 octobre avec pour seul prénom Lepelletier[18]. On peut supposer qu’il a abandonné ce prénom trop difficile à porter et qu’il s’est choisi un autre prénom : Théodore.

 

Le père, Joseph Boubée, est pharmacien de l’hôpital militaire d’Auch et Jacobin convaincu : sous la Révolution  il a été administrateur du département du Gers après l’écrasement des Girondins auquel il a contribué avec Lantrac[19]. Sa mère, Louise ROGER, a 37 ans en 1794.

 

Il participe aux guerres de l’Empire dans un régiment de cavalerie. Théodore épouse Marie d’Esparbès ou Desparbès.

 

 

Théodore Boubée, après des études de médecine et chimie, s’installe en tant que pharmacien à Auch. Il est l’auteur d’un mémoire présentant un sirop de sa fabrication : Traitement de la goutte et des rhumatismes aigus et chroniques par le sirop anti-goutteux de Théodore Boubée pharmacien à Auch (1832), réédité plusieurs fois. Ce qui l’enrichit comme le constate la notice de 1855 : 15000 F de revenu en propriétés, fortune amassée par l’exploitation du brevet d’invention d’un sirop anti-goutte.

 

Il est membre de la Société d’agriculture dont il est le trésorier pendant des années[20].

 

 

En patriote zélé, ardent, réfléchi, Boubée professe toute sa vie des principes franchement démocratiques. Sous Louis-Philippe il est  en butte à des tracasseries incessantes de l’administration (fiscale en particulier) Avec Alem-Rousseau il est un des fondateurs et des rédacteurs du  Pays.

 

Le 23-10-1831 il est nommé au conseil municipal d’Auch avec Alem-Rousseau, David, Soullier

 

 

Représentant du peuple en 1848

 

Elu en avril, il siège avec la gauche modérée, à côté de son ami Alem-Rousseau. Ses votes sont plus conservateurs même s’il vote contre les poursuites intentées à Louis Blanc et Caussidière. Son intérêt pour le commerce l’incite à voter pour la suppression de l’impôt sur le sel (27 décembre 1848).

 

Sur la liste des candidats républicains modérés, il n’est pas réélu en 1849 et reste proche d’Alem-Rousseau.

 

La notice de 1855 précise qu’il a quatre fils dont un est aspirant de marin et deux filles, l’une mariée, l’autre religieuse, et le présente ainsi sous la rubrique « valeur personnelle » : médiocre. M. Boubée n’a dû le rôle politique qu’il a joué en 1848 et 1849 qu’à l’amitié d’Alem-Rousseau avec lequel il est en communion de sentiments. Et pour la rubrique « confiance à accorder » : caractère impérieux et violent. M. Boubée avait manifesté longtemps avant 1848 des idées républicaines.

 

Il meurt  le 16 novembre 1865 à Auch, âgé de 72 ans dans sa maison place Saint-Jacques.

 

 

 

Le 3ème républicain modéré d’Auch  est :

 

 

DAVID Irénée Frix George Honoré[21]

 

 

Il naît le 16 mai 1791 à Auch. Il meurt dans la même commune, à La Hourre, propriété familiale depuis au moins le XVIIème siècle, le 12 avril 1862. Il était malade depuis 1849.

 

Il est issu d’une famille de notables[22]. Son père Jean-Frix David, a joué un rôle important pendant la période révolutionnaire et s’est engagé dans la lutte contre les Jacobins.[23]

 

Sa mère, Magdelaine Bourdens, est fille de négociants. Irénée David épouse Jeanne Marie Justine Irma Depan.

 

Brillant élève de l’Ecole centrale d’Auch, il poursuit ses études à Paris : droit et botanique au Muséum avec Jeoffroy Saint-Hilaire, Laurent de Jussieu, de Bosc et Desfontaines (il est ami des deux derniers).

 

C’est un érudit qui touche à diverses disciplines : il écrit un  Eloge de Pascal , un essai sur la Centralisation administrative, des études sur la réforme hypothécaire ; il collabore à la revue de législation… Mais c’est en tant qu’arboriculteur qu’il se fait connaître.

 

Au début de la Restauration il revient à Auch, en tant qu’avocat, et y crée un précieux et vaste jardin scientifique à La Hourre. Son jardin est visité par le Chef des cultures du Jardin des Plantes de Paris, et donne lieu à un article spécial de La revue horticole de 1861 par M. Pépin chef de l’Ecole de botanique du Jardin des Plantes.

 

Pour mettre en pratique ses idées, il participe à la lutte contre le déboisement et écrit de nombreux articles scientifiques d’arboriculture incitant les Gersois à reboiser avec des espèces adaptées. C’est un membre très actif de la Société d’agriculture et il collabore au Mémorial agricole du Gers.[24]

 

En janvier 1829, il est maire d’Auch, mais démissionne en 1830 parce que légitimiste. Le 23 octobre 1831 il est nommé au conseil municipal d’Auch avec Boubée, Soullier… Il travaille à un rapprochement des royalistes et des républicains. Il échoue aux législatives de 1839 et 1842.

 

Le rôle politique d’Irénée David n’est pas comparable à ceux de son père et de son fils ; il est beaucoup plus mesuré et consacre beaucoup de temps à l’arboriculture. C’est peut-être son ami Alem-Rousseau qui l’a entraîné dans la vie politique en le recommandant comme candidat à Lebbé en 1848 pour la liste des républicains modérés. Elu candidat à la candidature il subit comme chacun un interrogatoire difficile et un contrôle minutieux de son passé de la part du Comité : il est élu le 28 avril à l’Assemblée constituante.

 

 

Représentant du peuple en 1848

 

Il participe activement aux travaux de l’assemblée avec une orientation libérale mesurée : loi sur le timbre, opposition énergique à l’augmentation des impôts. Ecœuré par l’invasion de l’Assemblée le 18 mai et les sanglantes journées de juin 1848, il soutien la politique de Cavaignac.

 

Comme Alem-Rousseau, en 1849, il se présente en vain deux fois (en mai et lors de la partielle).

 

Il reste un opposant discret à Louis-Napoléon Bonaparte. Les archives n’ont pas conservé de notices de la police à son nom (ni d’aucun autre membre de sa famille) ce qui peut s’expliquer de deux façons : ou il n’était pas surveillé ou, plus vraisemblablement, elles ont disparu. [25]

 

Le Courrier du Gers écrit  au moment de sa mort :  En politique,  il préconisa l’union de l’Ordre et de la Liberté sous la monarchie. Il défendit la liberté en péril et l’Ordre menacé sous la République

 

 

 

A Lectoure[26]

 

 

BELLIARD Jean[27]

 

 

Né le 19 juin 1800 chez son oncle Lannes au faubourg de Lectoure, il a une jumelle, Virginie, qui meurt à l’âge de 7 ans. Leurs parents : Jean Belliard et Jeanne (ou Jeanne-Marie) Lannes, sœur du Maréchal. Les Belliard descendent d’une famille de propriétaires terriens aisés de Sempesserre. Quant à la famille du Maréchal Lannes elle est bien connue[28], ainsi que ses enfants.[29] [30]

 

 

Jean Belliard épouse Marie-Julienne Denux ; ils vivent et meurent dans leur domaine du Sauby à Terraube, lui le 19 mars 1891, elle le 27 avril 1887. Ils ont plusieurs enfants dont s’occupent beaucoup les  Montebello. Cette proximité avec la famille bonapartiste influera sur son destin. Il est Chevalier de la légion d’honneur[31].

 

Avocat à Lectoure, il collabore très jeune au journal Le National fondé à Paris par le républicain modéré Armand Carrel. G. Palmade[32] classe Belliard dans les riches bourgeois et dit de lui : candidat équivoque à la Constituante.

 

En février 1848, il est membre de la commission exécutive de Lectoure.

 

 

Sous-commissaire de la République de Lombez du 28 mars au 1er juin

 

L’arrondissement de Lombez est sous l’influence du Marquis de Panat, grand propriétaire légitimiste. Face à lui le Préfet Joly n’installe que des Sous-commissaires maladroits au point de provoquer des troubles : l’avocat Sahuqué (Pégot-Ogier écrit de lui à Joly : votre choix n’est pas heureux et il est de toute nullité et sans influence[33] ) qui démissionne dès le 11 mars. Suit un intérim du maire provisoire de l’Isle-Jourdain, Vignola qui écrit à Pégot-Ogier le 15 mars[34] : les affaires de l’arrondissement sont ici en souffrance, votre délégué n’étant pas encore arrivé, l’opposition agit et moi, malgré ma bonne volonté, je ne puis révoquer ni nommer de nouveaux maires, n’ayant pas de pouvoir pour cela. Puis Joly nomme l’avoué Dufaur qui destitue des maires sans concertation et l’agitation continue alors que les élections approchent.

 

Le 26 mars, Pégot-Ogier convainc Belliard de prendre la sous-préfecture de Lombez et il explique son choix : Sa modération, son habileté, son absence d’attaches avec la région sont les gages de sa réussite. Jean Belliard est chargé de préparer les élections et cela en très peu de jours. [35]

 

Dès le 4 avril celui-ci écrit au Commissaire de la République : Depuis mon arrivée à Lombez je me suis uniquement occupé des communes, de leur personnel, de leur organisation et de leur réclamation. Je marche lentement, je voudrais marcher sûrement. […] La plus grande partie des communes est tranquille. Les seules qui me donnent des inquiétudes sont celles où l’on a formé des administrations provisoires. […] M Dufaur avoue qu’il s’est trop pressé. On l’a trompé. Ces erreurs ont causé une grande agitation dans les esprits : heureusement que j’ai encore vingt et un jours avant les élections. […] La grande influence d’opposition était l’influence légitimiste ; il y avait quelques radicaux, le reste était machinalement ministériel. […] L’esprit général est pour le gouvernement républicain mais il rajoute qu’on ne trouverait pas 10 démocrates purs dans tout l’arrondissement.[36]

 

 

Commissaire de la République

 

Il est nommé le 4 juin[37] ; il remplit sa mission avec conscience et conviction mais il est révoqué le 4 novembre :  L’opinion attribue cette disgrâce à sa modération, à sa tiédeur présumée à l’endroit de Cavaignac, à sa parenté, à ses relations. Belliard, neveu du maréchal Lannes et cousin de Montebello aura semblé peu propre à entrer en campagne pour le général Cavaignac contre le neveu de l’Empereur… Il rentre honorablement dans la vie privée, parce qu’il ne s’est pas prêté à aucun des actes de violence administrative qu’on lui a, dit-on, demandés.[38]

 

Cette mesure surprend Belliard et peut paraître étonnante en effet ; il soutenait officiellement le journal républicain Le pays (et en avait prévenu le ministère) pour mener la campagne en faveur de Cavaignac. Tous les jours, Le pays réfute les arguments de L’opinion. Ainsi, le 31 octobre, le journal de la préfecture passe en revue tous les candidats et les écarte d’une formule dénigrante : M Bonaparte…sera soutenu par les anciens conservateurs qui le considèrent comme une transition… Quant à la valeur individuelle du prince, ses souteneurs n’en parlent pas et ils agissent en cela assez prudemment…. Qui parle de M Ledru-Rollin dont les doctrines épouvantent la France ? … L’homme sage … ne saurait fixer son attention que sur M Lamartine ou le général Cavaignac… Le général Cavaignac est le seul dont la candidature soit rationnelle et l’élection satisfaisante. [39]

 

Autre gage de fidélité : le 22 octobre Belliard récuse l’invitation à participer à un banquet organisé par les « rouges » à Auch dans la prairie du moulin de l’hôpital. Enfin, après sa destitution, dans Le Pays, il continue ses attaques envers Bonaparte et félicite Cavaignac de sa position vis à vis du pape.

 

Le 3 décembre Pasquier, son successeur, arrive. Entre temps l’intérim a été assuré par le Doyen du Conseil de Préfecture, E. Dupetit.

 

 

Représentant du peuple en 1849

 

Lors des Législatives de 1849, Belliard franchit le pas : il est  candidat de L’Opinion et du parti de l’ordre et en même temps sur la liste bonapartiste de l’arrondissement de Lombez ; il est élu le 13 mai à l’Assemblée législative sur la liste conservatrice. Il y soutient la politique du Prince-Président. Réélu député dans la circonscription d’Auch en 1852 puis en 1857 et 1863, il fait partie de la majorité « impérialiste » de l’Assemblée. Il est conseiller général pour le canton de Lectoure de 1852 à 1870. Mais en 1869 Aylies lui est préféré comme candidat officiel à la députation, il se retire alors de la politique.

 

 

CARBONNEAU  Pierre François Achile (dit Pierre-Achille ).

 

(Son nom est écrit de diverses façons : CARBONNAU ou CARBONNEAU ou CARBONAU) .

 

 

Né le 21 février 1799 à Lectoure, il est le fils d’un médecin, Jean François Carbonau et de Françoise Dumoulin qui habitent à Lectoure dans la Grande rue, Section St Gervais[40].

 

Avocat à Lectoure et l’un des meilleurs du Gers, il meurt rentier et riche le 9 juin 1865 à Castet-Arrouy, village de sa mère, où il possédait un domaine. Il est célibataire.

 

Sous la Monarchie de Juillet, c’est un républicain déclaré qui est élu conseiller général en 1842.

 

Ses concitoyens le choisissent très logiquement comme Président de la commission exécutive de Lectoure qui est constituée dès le 26 février 1848 et formée de 7 membres : Carbonneau, Belliard, Noguès (avocats), Labat et Barailhé (propriétaires), Pujol (négociant), et Couraud (ferblantier)[41].  Puis Achille Carbonneau est choisi comme Sous-commissaire de Lectoure du 27 février au début mai.[42]

 

Et, comme tous les hommes engagés de son époque, il se porte candidat pour les législatives. Le Comité électoral présidé par Alem-Rousseau dit de lui : Carbonneau homme nouveau, désintéressé, ferme républicain, n’ayant pas de famille à caser.

 

La confrontation est vive entre L’Opinion et Le franc-Républicain[43]. Carbonneau est pris à partie et réplique. Dagnan résume cette passe d’armes ainsi : Carbonneau, tout en se déclarant le défenseur énergique de la famille, de la propriété, de l’héritage, a imprudemment parlé de l’organisation du travail et préconisé l’association libre du patron et de l’ouvrier : l’Etat fournira à ce dernier une partie du capital social, retirée si l’entreprise réussit, perdue si elle échoue. –  Mais répond gravement « L’opinion », cette caisse de l’industrie qui prête à l’ouvrier ne sera évidemment constituée qu’avec le superflu de ceux qui ont de l’argent. C’est donc un acheminement au communisme – Carbonneau récidive et aggrave son cas en prônant l’impôt progressif sur le revenu «  avec une échelle modérément ascensive. » Il veut remplacer l’impôt du sel et les autres impôts indirects par des lois somptuaires et l’impôt progressif « sagement organisé ».

 

 

Représentant du peuple en 1848 et 1849

 

Malgré (ou à cause de ?) cette polémique Carbonneau figure sur les trois listes républicaines et il est élu le 23 avril le dernier du Gers, il siège à gauche, mais, surpris par la violence de ses collègues, se rapproche bien vite du groupe Cavaignac. La notice de 1855 signale : quoiqu’il eut été nommé par le parti conservateur il se plaça dans les rangs des Montagnards et vota avec eux. Et : conservateur sous la monarchie, républicain sous la république. Le policier qui rédige la note le juge excentrique et bizarre. Lors des élections du Conseil général, en juillet, il est un des cinq républicains élus.[44]

 

Pour les législatives de 1849, il est présenté par les montagnards en même temps que par les modérés. Réélu le 13 mai 1849 à l’Assemblée législative, il vote avec la minorité républicaine contre toutes les mesures présentées par le parti de l’Elysée. Chaque fois qu’il vient dans le Gers il est très surveillé.

 

Après le coup d’état du 2 décembre, il se retire de la vie politique et reprend sa place au barreau de Lectoure ; il ne participe pas à l’insurrection, qui d’ailleurs est très limitée dans la ville de Lectoure et n’est pas inquiété.

 

 

 

A Condom [45]

 

 

Comme à Auch, les Républicains sont divisés en tendances mais ils ne sont qu’épisodiquement rivaux. C’est peut-être le résultat d’années de « république clandestine », selon l’expression de Jeanne Gilmore[46], autour de Félix Lebbé[47] qui a fondé L’étoile d’Aquitaine. La notabilité et la personnalité de chacun les poussent sans doute  à conjuguer leurs efforts pour asseoir la République et la consolider. Ce travail souterrain coordonné, accompagné de pratiques régulières d’éducation populaire pendant ces trois années, fait de Condom et des alentours un foyer républicain dit « rouge » et permet à l’arrondissement d’avoir deux élus en 1848 à l’Assemblée constituante et encore deux en 1849 à l’Assemblée législative. Quatre de ces personnages, Gavarret, Gounon, Duputz et Lamarque, liés par l’amitié, convaincus et désintéressés ont joué un rôle primordial et reconnu  dans l ‘arrondissement.

 

 

GAVARRET Louis Sébastien Philip [48]

 

 

Son père Jean PHILIP, bourgeois, avait choisi de prendre comme patronyme le nom de sa maison, Gavarret.

 

Louis-Sébastien est né le 14 juillet 1791 à La Sauvetat (Gers), et décèdera le 15 mars 1881 à Béraut, (près de Condom) sur le domaine du Tuco, qu’il avait acheté. Il épouse Jeanne Georgette  Virginie Dubarry de Lassale d’une famille de républicains déclarés – et très surveillés – du Condomois. Ils n’ont pas d’enfant.

 

Cet avocat reconnu (instruction étendue, valeur personnelle considérable d’après la notice de 1855) et aisé  pourra se retirer tôt du barreau.

 

Il est membre de la Loge maçonnique  l’Auguste Amitié  de Condom sous la Monarchie de Juillet. Elu député en 1831, il siège avec la gauche dynastique, démissionne l’année suivante et est remplacé le 14 février 1833 par Alfred Lannes de Montebello. En 1833, il est élu au Conseil général du Gers pour le canton de  Condom[49], et en est le secrétaire pendant 16 ans ce qui lui vaut la Légion d’honneur en 1845 ; il en est flatté[50] .

 

Lors des élections de 1847 il talonne de 61 voix, Eugène Persil,  le fils du conservateur Jean-Charles Persil (Procureur général et deux fois Garde des sceaux ; admis à la Chambre des pairs en 1839).

 

Il joue un rôle prépondérant dans la campagne de banquets qui précède et annonce la chute de la monarchie et préside, en particulier, le banquet réformiste de Condom, en novembre 1847 qui réunit 400 personnes

 

Le 29 février 1848 le voit nommé Sous-commissaire de la République[51] à Condom[52], poste pour lequel le nouveau Commissaire de la République, Prosper Barousse, le trouve compétent.[53]

 

En mars 1848 : Gavarret est Président du Club condomois chargé de préparer les élections. Mais il démissionne très vite en donnant comme motifs  son état de santé et sa candidature pour les élections. D’où une polémique dans le journal L’étoile d’Aquitaine du 26 mars[54]  avec un article (non signé) : peut-il être candidat s’il est malade ? Il est vrai que le rédacteur en chef, Lamarque, était candidat à la candidature. De fait dans les premières listes publiées par le journal, Gavarret n’apparaît pas y compris dans la liste dite « définitive » publiée le 16 avril.

 

 

Représentant du peuple en 1848 et 1849

 

Les listes ont subi force modifications, et Gavarret, enfin candidat, est élu à l’Assemblée constituante le 23 avril, 1er sur 8 avec 64 589 voix. En juillet il est un des cinq républicains élus conseillers généraux seuls rescapés de la vague conservatrice.

 

C’est un représentant du peuple consciencieux et critique qui rejoint l’Assemblée constituante qu’il décrit ainsi dans une  lettre à Félix Lebbé : la composition de la nouvelle Assemblée constituante : 500 républicains modérés, 100 républicains démocrates, 200 orléanistes, 100 catholiques ; du groupe des républicains démocrates sortira la montagne socialiste plus agitée que parlementaire. Le premier groupe des modérés plus calme comprend Aylies, Carbonneau, Gounon, au centre David, à gauche Alem-Rousseau et Subervie.

 

A l’Assemblée il siège dans la Commission de l’instruction publique ; il est pour la gratuité absolue du primaire. Il fait partie du comité des cultes. S’il appartient à la tendance démocrate modérée, il sait s’en démarquer, en particulier quand, en septembre, il soutient avec une trentaine de députés, la proposition de Victor Hugo d’inscrire dans la constitution l’abolition de la peine de mort.

 

Le 26 novembre 1848, il participe à Condom à l’organisation d’un banquet de soutien à la candidature de Ledru-Rollin qui réunit 180 personnes selon L’opinion, 360 au dire de L’étoile d’Aquitaine. Un cortège, tambour en tête, se répand dans la ville aux cris de Vive la République démocratique et sociale.

 

Après l’élection de Louis-Napoléon Bonaparte, il participe à la fronde parlementaire des républicains.

 

Candidat à la fois sur la liste montagnarde et sur celle des républicains modérés, il est réélu une nouvelle fois 1er lors des législatives de 1849. Il continue à s’opposer au gouvernement présidentiel de Louis-Napoléon Bonaparte et sert de liens entre les modérés et certains montagnards comme Duputz.

 

Chaque fois qu’il vient dans le Gers il est très surveillé ; lors de son retour le 12 août 1850, il a droit à la sérénade, tradition de la ville. Il rentre dans la vie privée après le coup d’état du 2 décembre mais le pouvoir se méfie toujours de lui en particulier à cause de son influence : considération marquée dans une très grande partie de la bourgeoisie et parmi le peuple, d’après la notice de 1855.

 

 

GOUNON Victor-Dominique

 

 

Né à Eauze[55] le 24-12-1800 d’après les dictionnaires biographiques[56].

 

Célibataire, négociant en eaux de vie et riche propriétaire à Eauze, château de La Pouche, il a un hôtel particulier en ville ( 40 000 F de rente provenant de ses propriétés rurales, vignobles, d’après la notice de 1855).

 

GOUNON Victor-Dominique, […], beau-frère de M. MOCQUARD secrétaire particulier du Cabinet de sa Majesté l’Empereur, est décédé subitement le 4 juin 1860 à Eauze lors d’une réunion dans une des salles de l’Hôtel de ville à 3 heures du soir à l’âge de 58 ans, né à Eauze.[57]

 

Jean François Mocquard (1791-1864), d’origine parisienne, avocat du parti libéral sous la Restauration qui, en particulier, plaida pour les Quatre sergents de La Rochelle, quitte Paris pour raison de santé. Il est d’abord sous-préfet de Bagnères-de-Bigorre de 1830 à 1838. Nommé sous-préfet de Condom le 5 octobre 1838, il refuse le poste et démissionne. Il épouse Anne Gounon. De retour à Paris il devient en 1851, chef du cabinet particulier du Prince-Président puis de l’Empereur et cela jusqu’à sa mort en 1864.

 

La situation de Mocquart va influer fortement sur l’engagement politique de son beau-frère.

 

 

Gounon adhère très jeune aux idées libérales ; il se fait remarquer pour la 1ère fois en 1824 lors d’un procès politique : Condom, qui était dans l’opposition, vient d’être destituée de son siège électoral au bénéfice d’Eauze. Gounon et d’autres s’opposent à cette translation arbitraire et, au cours d’une bagarre, ils échangent quelques coups de cravache. Lors du procès, avec Gavarret pour avocat, ils sont acquittés.

 

Il défend des idées libérales sous la Restauration et sous la Monarchie de Juillet et est en constante opposition. En 1830 il s’empare de la mairie, refuse de prêter serment à Louis-Philippe et est vite remplacé par un riche propriétaire, Julien Canot.

 

Sous Louis-Philippe il refuse de payer l’impôt. Il est très proche des républicains de Condom et en particulier de Lebbé. Les républicains sont influents à Eauze et se retrouvent tous les jeudis à l’occasion du marché.

 

 

Représentant du peuple en 1848.

 

En février 1848, le sous-commissaire de Condom lui écrit : prenez en main l’administration communale (Eauze). Il constitue une commission de 8 membres. Son ami Gavarret l’intègre très vite dans la liste républicaine. Elu sixième représentant du peuple à l’Assemblée constituante, présenté à la fois par les conservateurs et les républicains modérés, il siège avec les républicains modérés. Il fait partie de la Commission du commerce et de l’industrie et défend la viticulture, s’élève contre l’impôt indirect sur les boissons : plus l’impôt est lourd et accablant, moins il y a de consommation, d’une part, et d’autre part plus les chances de fraude se multiplient. [58]

 

 

En 1849, sur la liste des républicains modérés, il n’est pas réélu à la Législative

 

Rallié à l’Empire, maire d’Eauze, sa gestion n’est pas toujours appréciée : il veut embellir la ville et assainir les fossés. On lui reproche aussi ses relations familiales et son caractère ombrageux

 

En 1851, maire d’Eauze, il doit faire face aux troubles : le 4 décembre, vers 11h, une cinquantaine d’hommes entrent à la mairie et demandent les armes de la garde nationale. Gounon refuse. Ils les prennent de force et se massent devant la mairie puis l’occupent pendant que d’autres font sonner le tocsin.

 

Gounon et le commissaire essaient de parlementer. Puis le maire demande aux gendarmes de retourner dans leur caserne. Le sous-préfet, en fin de journée, envoie un message annonçant que partout l’agitation est tombée. Les insurgés partent.

 

Et la répression commence. Les insurgés se cachent et Gounon offre l’asile de son château de La Pouche à plusieurs d’entre eux avant de leur faciliter le passage en Espagne. Il écrira : Je me suis fait chien de Terre-Neuve pour sauver les naufragés.

 

La société élusate reste marquée par l’état de siège. La municipalité ne peut fonctionner : le maire et les adjoints sont nommés mais les conseillers sont élus parmi les opposants. Le pouvoir central devra dissoudre plusieurs fois le conseil municipal.

 

Gounon redevient maire de 1854 à 1857 ce qui se traduit par un certain apaisement. De plus en plus modéré ou réaliste, il accepte de prêter serment à l’empereur. Les rédacteurs des notices de 1855 restent pourtant méfiants :

 

Considération dont il jouit, relations : a perdu beaucoup dans les temps qui ont suivi 1848. Très considéré du parti avancé qui attend tout de lui. A repris quelques relations avec les hommes d’ordre.

 

Influence : considérable à cause de sa popularité personnelle et à raison du crédit qu’on lui suppose.

 

Antécédents politiques : on lui croyait avant 1848 des opinions légitimistes. Il fut même le candidat de cette coterie à une élection politique. Il votait avec la gauche à l’assemblée constituante ; il a donné le triste exemple du refus de l’impôt.

 

Opinions politiques apparentes : napoléoniennes.

 

Sentiments politiques réels : républicains.

 

Caractère, confiance à accorder : caractère aimable et insinuant mais n’offrant pas une constance suffisante pour former un homme politique complet sacrifiant beaucoup trop à la popularité, mais lié aujourd’hui d’une manière étroite à la destinée de l’Empereur il offre par sa position les garanties qu’il ne saurait donner par son caractère ou par ses principes. On prétend que M Gounon vise à devenir sénateur, je crois qu’il se bornera à demander un siège au corps législatif.

 

 

Et, aux législatives de 1857, il se présente contre le Comte Lagrange candidat officiel.

 

En 1860, d’après l’acte de décès, il est adjoint au maire, membre du Conseil général, délégué cantonal pour l’instruction primaire, membre du Bureau de bienfaisance d’Eauze, Président et fondateur de la Société de Secours mutuels d’Eauze

 

Les Elusates deviennent bonapartistes surtout après 1870 et le resteront jusque vers 1900 fortement influencés par les deux Cassagnac.

 

 

 

LAMARQUE Lucien

 

 

Jean Marie  Lucien, né le 2 février 1816 à Condom n’est pas d’une famille de notables : il est fils de Jean Lamarque horloger à Condom et de Zoé Labit. Il meurt le 27 janvier 1886 à Condom (à son domicile rue Buzon) et ses obsèques civiles sont l’occasion d’une grande manifestation politique.

 

Son cousin germain, Jean Baptiste Lamarque, riche propriétaire joue un rôle important dans l’installation de la République à Fourcès.

 

Lucien Lamarque épouse Germaine Josèphe Clotilde Bordes.

 

 

Avocat condomois et rédacteur en chef de L’Etoile d’Aquitaine, hebdomadaire du dimanche qui paraît du 24 août 1845 au 24 juin 1849. Le numéro 1 s’intitule : L’étoile d’Aquitaine. Journal de Condom (Gers). Revue politique, administrative, judiciaire, littéraire, commerciale et d’annonces. Hebdomadaire du dimanche.

 

Et il se présente ainsi : enfants de la démocratie, nous voulons son triomphe, son organisation, sa place au banquet social. Nous le voulons, non par la voie des révolutions qui ne profitent qu’à l’intrigue, mais par la force paisible et la reconnaissance évidente d’un droit […]. La réforme parlementaire est indispensable sous peine de voir le gouvernement représentatif s’affaisser et succomber sous son propre alanguissement. Selon nous la chambre des députés n’aura de vie, d’action, de puissance réelle pour le bien qu’avec l’éligibilité sans condition, l’indemnité accordée aux députés et l’exclusion des fonctionnaires publics. Alors on pourra s’occuper de la réforme et de l’organisation de l’enseignement, du travail et de l’impôt ; alors tomberont ces lois liberticides qui nous enserrent de toute part…[59]

 

Lucien Lamarque fait partie de la Loge  L’auguste Amitié  de Condom dont il est Vénérable en 1848.

 

Correspondant de L’ami du peuple[60], il s’est engagé jeune dans l’opposition clandestine comme en témoignent les rapports de police archivés par la préfecture de Toulouse[61] : il participait dès 1836 à des réunions de « carbonaris » ou de « communistes » à Toulouse, au Capoul, place Lafayette, infiltrées par un ou des espions qui ne signent pas leurs rapports. Lamarque y annonce le 16 janvier 1843 que Condom est organisée, que la garde nationale n’était pas désarmée et que l’on pouvait compter sur 300 hommes armés pour se porter sur les lieux de l’insurrection. Et le 7 février de la même année, grâce à cet espionnage, la police toulousaine découvre qu’il y a eu un banquet en octobre 1842 à Condom entre les agents de l’insurrection.

 

Considéré comme l’un des chefs « rouges » de Condom, il est parmi les premiers à organiser la République dans sa ville et est membre de la commission provisoire puis est nommé Sous-commissaire du gouvernement le 7 mars à Condom .

 

 

Le comité électoral d’Alem-Rousseau propose de choisir Lamarque comme candidat et dit de lui :  d’opinions républicaines hautement prononcées. Dans son journal, L’étoile d’Aquitaine, le candidat écrit le 2 avril 1848 :

 

A mes concitoyens du Gers. Citoyens.

 

Par un excès de bienveillance dont je suis fier, plusieurs de mes amis ont proclamé ma candidature pour l’assemblée nationale. L’article continue par une profession de foi ; il est pour : un gouvernement républicain fort et démocratique ; le maintien inébranlable de la propriété et de la famille ; la consécration du droit au travail ; l’éducation nationale gratuite pour tous ; le vote universel. Le 23 avril le journal fustige les ridicules accusations de communisme à l’encontre de Lamarque.

 

Il est sur deux listes mais n’est pas élu (il n’a que 6 000 voix alors que Gavarret en a plus de 64 000).

 

L’étoile d’Aquitaine écrit le 12 novembre 1848 : Monsieur Louis-Napoléon Bonaparte, nonobstant l’insignifiance de sa personne et le ridicule de ses prétentions, exerce un certain prestige sur la population des campagnes […]. Le Prince Louis-Napoléon est aujourd’hui le drapeau de tous les partis réactionnaires coalisés. Le journal de Lamarque n’est pas aussi clairvoyant que celui d’Alem-Rousseau !

 

Le 26 novembre 1848, il préside le banquet et porte un toast à Ledru-Rollin l’ami, le défenseur des prolétaires et qui a pour devise : droit au travail, famille et propriété, trilogie sainte et indivisible.

 

Le parti « rouge » fonde L’égalité (1er numéro le 17 avril 1849) pour répandre les idées républicaines en particulier dans les campagnes ; le journal propose l’impôt progressif sur le revenu, l’exploitation par l’état des chemins de fer, des mines, canaux, banques, assurances ; il veut le service militaire obligatoire pour tous, l’instruction primaire obligatoire et gratuite. Ses rédacteurs ne se veulent pas socialistes. L’Egalité publie des Lettres aux paysans qui circulent en brochures. Ces brochures, dit le procureur de la République, sont transmises de la main à la main en cachette et sans publicité. Ce colportage n’étant pas public se devine bien plus qu’il ne se voit. Elles sont lues et commentées par les instituteurs. Ce journal est surveillé de très près : arrestations de colporteurs, perquisitions chez Lamarque président de la Solidarité républicaine supprimée par une simple circulaire du Ministère de l’Intérieur (mai 1849). Lamarque est l’un des avocats du journal L’égalité lors du procès des 18, 20 et 22 octobre 1849. Le gérant, Abadie, est condamné.

 

Sous la Présidence de Louis-Napoléon Bonaparte, il continue à s’opposer au pouvoir :

 

Le 24 février 1850 il préside le banquet républicain de Vic-Fezensac. En mai et juin 1850 des placards « incendiaires » sont affichés à Condom ; l’opinion en accuse les républicains ; les « quatre avocats rouges » de Condom protestent par une lettre publiée par la  Constitution  et L’ami du peuple. Le procureur général les traduit devant le conseil de l’ordre pour les faire radier en remarquant que Lamarque ne plaidant pas cela ne servira à rien. Le 22 novembre 1850, Lamarque et Dugarçon sont condamnés à 6 mois de suspension, Daulhième à 3 mois, Lassalle, avocat stagiaire, à la réprimande d’après Dagnan.

 

Lamarque est un ami de Duputz, le représentant, et de Noullens son secrétaire ; ils font des tournées ensemble dans le Gers.

 

 

Dans une lette à l’Ami du peuple Lamarque écrit le 11 juin 1851 : Condom a des alguazils, des mouchards, des délateurs des complots basés sur une chanson ou sur un paletot rouge[62], des arrestations, l’intimidation et la terreur. Tout est crime aux yeux de notre parquet : une couleur, un chant, une promenade nocturne… Partout, les républicains sont traqués, poursuivis, incarcérés, ruinés eux et leur famille… Mais nous demeurerons calmes.

 

En avril 1851, il devient Président de la société commerciale imaginée par Duputz pour sauver L’Ami du peuple. Le journal sera supprimé après le coup d’état à la suite de quatre procès.

 

La loge Auguste-amitié était la seule société secrète tolérée, elle réunissait les « rouges » (avocats, artisans, fonctionnaires révoqués, commerçants…) et était surveillée, Lamarque en est Vénérable en 1850 mais n’est pas réélu d’après le commissaire de police en septembre 1850. Interdite provisoirement le 15 avril 1851, elle est remplacée par des sociétés secrètes, promues par Lamarque, qui se multiplient. L’une d’elles se réunit au café Lestrade dans un faubourg de Condom. Des réunions ont lieu aussi à Eauze et dans de nombreux bourgs.

 

Le 26 juin 1851 est organisé un banquet à Condom mais la consigne est de calmer le jeu dans l’attente de la double élection de 1852 (d’après la Constitution, le prince-Président ne pouvait pas se représenter ; et il y avait des élections législatives).

 

Condom reste un foyer républicain, « rouge » disent certains.

 

 

 

DUPUTZ Mathieu Edouard

 

 

D’après son acte de décès il est né à Bordeaux le 12 janvier 1812 ; il meurt à Vic-Fezensac le 25 avril 1883. Il est célibataire.

 

Il est percepteur mais est destitué en 1849 à cause de ses prises de position politiques. Il devient négociant. Avec Lamarque il fonde l’Etoile d’Aquitaine.

 

Dès le 26 février il s’engage et participe à la commission provisoire puis à l’organisation du banquet du 26 novembre.

 

Il fait partie de l’association Solidarité républicaine fondée par Ledru-Rollin le 4 novembre 1848 et a une grande audience au sein du parti montagnard dans le Gers mais aussi à Paris et à Londres.

 

 

Pour les législatives de 1849, Edouard Duputz est candidat sur deux listes : celle du journal L’égalité[63] et celle des républicains modérés. Le 28 avril 1849 L’égalité déclare adopter la ligne politique du Comité démocratique socialiste de Paris. Tous les candidats montagnards étaient tenus de souscrire aux six propositions du comité : 1) la République est au-dessus du droit des majorités – 2) si la constitution est violée les représentants du peuple doivent donner l’exemple de la résistance – 3) les peuples sont solidaires comme les hommes ; l’emploi des forces de la France contre la liberté des peuples est un crime…- 4) le droit au travail est le premier de tous les droits ; il est le droit de vivre ; la plus dure des tyrannies est celle du capital ; la représentation nationale peut et doit poursuivre l’abolition de cette tyrannie – 5) dans une nation libre l’éducation doit être pour tous gratuite, commune, égalitaire et obligatoire – 6) le rappel du milliard des émigrés est une mesure juste, utile, possible.

 

 

Représentant du peuple en 1849

 

Il est élu le 13 mai 1849 à la Législative, le 6ème sur 7 avec 30526 voix (sur 70087 votants, 96572 inscrits). Il siége à gauche et vote le plus souvent avec la « Montagne ». Victor Schœlcher le classe dans le groupe de 24 membres qui s’étaient détachés de la montagne pour quelques nuances d’opinion tout en conservant les mêmes principes.[64]

 

 

Chaque fois qu’il vient dans le Gers il est très surveillé ; le commissaire d’Auch écrit le 17 janvier 1850 : l’arrivée dans nos murs de M. Duputz, représentant montagnard, n’a donné lieu à aucune manifestation. Quelques amis politiques lui ont fait compagnie.[65]

 

Le 20 janvier 1850 à Condom, Duputz, « le chef des rouges », recommande à ses amis de se tenir prêts à combattre pour défendre la République car il faut s’attendre à un prochain coup d’état. Le 14 février il assiste à un banquet à Condom, la veille de son départ à Paris. Duputz a sa sérénade le 25 août. ; une autre le 6 septembre (17 musiciens).

 

Duputz, explique ainsi la victoire de Louis-Napoléon Bonaparte aux élections présidentielles (le 15 février 1851 dans L’ami du peuple) : il n’était pas un paysan pour qui l’élection de Louis Napoléon Bonaparte ne signifiât remboursement des 45 centimes.

 

 

Septembre 1851, nouveau banquet à Lectoure où il aurait exhorté à descendre en armes dans la rue au premier signal pour défendre la constitution.

 

Quand L’Ami du peuple est menacé, Duputz a l’idée de l’organiser en société commerciale avec un fonds d’exploitation de 30 000 francs constitué par 30 000 actions nominatives de 1 franc, accessibles aux démocrates les plus pauvres. Le 25 octobre 1850 L’ami du peuple publie les statuts de la nouvelle société en commandite. Mais la souscription traîne jusqu’en avril 1851. La société se réunit début avril et le bureau est élu : L. Lamarque (Condom) préside; Duputz, le principal actionnaire, est le directeur politique de la feuille montagnarde ; il envoie de Paris le rédacteur en chef Benjamin Gastineau collaborateur au journal La voix du peuple. 200 abonnés. L’Ami du peuple sera supprimé lors du coup d’état après avoir subi quatre procès. Duputz pendant tout ce temps incite le journal à rester franchement dans la ligne démocratique, socialiste et révolutionnaire. A négliger les personnes pour exposer les principes. L’Ami du peuple fulmine contre les républicains modérés qui semblent relever la tête en décembre 1851. Quand, devant les menaces de coup d’état, un rapprochement avec Alem-Rousseau est envisagé, Duputz refuse.

 

 

A la veille du coup d’état il inspire une brochure et en paie les frais d’impression pour venter la candidature de Ledru-Rollin en 1852 ; pour cela il faut faire obstacle à une candidature qui serait issue d’une fusion  de la montagne et des républicains modérés. Il pense que la montagne va se rallier à la candidature de Carnot. Dans cette brochure il oppose la population ouvrière menée par des chefs qui veulent substituer la propriété collective à la propriété individuelle, à la population rurale réfractaire aux systèmes socialistes. Mais la brochure ne fut pas publiée à cause du coup d’état.

 

 

 

Le département dès le début de la Seconde République s’est distingué par son agitation, selon les termes des commissaires de police ; dans une lettre du 10 août 1848 le ministère de l’intérieur s’inquiète :  je suis informé que les anarchistes s’agitent dans votre département et cherchent à s’organiser dans les loges maçonniques.[66] Dans l’arrondissement de Condom surtout mais aussi à Auch les « rouges » restent actifs pendant les trois années de la République. Par contre l’arrondissement de Lombez a basculé à droite dès juin 1848. Après une courte insurrection en décembre 1851 suivie de la répression, le département devient beaucoup plus calme sinon résigné.

 

 

 

(suite dans le prochain numéro)

 

 

Annexe

 

 

Les principales dates de la Seconde République

 

 

22-24 février 1848 : 3 journées révolutionnaires. Chute de la monarchie. Constitution d’un gouvernement provisoire dirigé de fait par Lamartine, avec Ledru-Rollin au ministère de l’Intérieur.

 

 

25 février 1848 : proclamation de la République

 

 

5 mars 1848 : décret instituant le suffrage universel masculin

 

 

23 avril 1848 : élection de l’Assemblée constituante

 

 

27 avril 1848 : publication du décret abolissant l’esclavage, rédigé par Victor Schœlcher

 

 

15 mai 1848 : le peuple de Paris envahit l’Assemblée

 

 

23-26 juin 1848 : « Journées de juin » : insurrection ouvrière à Paris, réprimée par l’armée commandée par le général Cavaignac.

 

 

28 juin 1848 : Cavaignac nommé président du Conseil.

 

 

17 septembre 1848 : élections partielles, Louis-Napoléon Bonaparte est élu à Paris

 

 

2 au 4 novembre 1848 : vote de l’ensemble de la Constitution qui est proclamée le 21 novembre

 

 

10 décembre 1848 : élection du président de la république au suffrage universel masculin : Louis-Napoléon Bonaparte est élu avec plus de 5 400 000 voix  contre Cavaignac, Ledru-Rollin, Raspail, Lamartine (dans le Gers il obtient 57 253 suffrages, Ledru-Rrollin 9 125, Cavaignac 5 946 ).

 

 

13 mai 1849 : élections de l’Assemblée législative

 

 

2 décembre 1851 : coup d’état de Louis-Napoléon Bonaparte.  Insurrection à Paris les 2 et 3 ;  dans le Gers du 3 au 5, dans 14 cantons sur 27.  Proclamation de l’état de siège le 8 décembre dans le Gers en particulier. Durera jusqu’au 7 avril 1852.

 

 

21 décembre 1851 : plébiscite pour ou contre une constitution qui donnait pour 10 ans beaucoup de pouvoirs au président (7 millions et demi de oui, contre 640 000 non)

 

 

Répression judiciaire dans le Gers en décembre 1851,  renforcée par la création le 3 février 1852 des commissions mixtes.

 

 

29 février 1852 : Elections législatives

 

 

21 novembre 1852 : 2ème plébiscite rétablissant l’empire

 

 

2 décembre 1852 : proclamation officielle du Second Empire.

 


[1] Les acteurs que j’ai étudiés sont ceux qui apparaîtront dans le « Dictionnaire du personnel politique de 1848 », Edition Nouveau Monde,   dirigé par Eric Anceau et d’autres professeurs de la Sorbonne. C’est à dire : les préfets, sous-préfets et les députés élus en 1848. J’ai vérifié leur état civil ou utilisé celui donné dans le livre publié par  l’Association du corps préfectoral ( Bargeton, Bougard,  Le Clère et Pineau :  Les préfets du 11 Ventôse an VIII au 4 septembre 1870. Répertoire nominatif et territorial. Paris Archives nationales.1981). Les exceptions sont mentionnées.

 

[2] Pour ne pas alourdir le texte je ne redonnerai pas en notes les références bibliographiques qui suivent  :

 

Ø  J. DAGNAN : Histoire politique de la Province. Le Gers sous la Seconde République

 

Tome I : La réaction conservatrice (février 1848-2décembre 1851)Auch 1928

 

Tome II : Le coup d’Etat (décembre 1851-décembre 1852) Auch 1929.

 

Ø Biographie des 900 Représentants à la Constituante et des 750 représentants à la Législative session 1849

 

Ø Le Gers. Dictionnaire biographique de l’Antiquité à nos jours. Sous la direction de G. COURTES. Publié par la Société archéologique du Gers.

 

Ø ROBERT et COUGNY Dictionnaire des Parlementaires de 1789 à 1889

 

Ø LESAULNIER : Biographie des 900 députés à l’Assemblée nationale 22 août 1848

 

Ø Aux archives de la Haute-Garonne et du Gers, l’état civil a été mis à contribution ainsi que la correspondance préfectorale, les journaux et les rapports de police dont les « notices sur les notable »,  de 1855 ( 1 M 235 aux AD du Gers), sources qu’il faut manier avec précaution.

 

[3] AD Haute-Garonne : 4M 62

 

[4] AD Haute-Garonne : 4 M 61 : Lettre du 9 mars 1848 de Pégot-Ogier à Joly

 

[5] L’Histoire n° 307 de mars 2006 : dossier Liberté ! La révolution des Lumières. En particulier l’entretien avec Daniel Roche et l’article d’Antoine Lilti sur la diffusion des Lumières.

 

[6] Bulletin de la société archéologique du Gers  1927 : G. Brégail : Le marquis d’Orbessan. Et 1936 : Le Président d’Orbessan et son foyer artistique et intellectuel. 1716-1796

 

[7] Bulletin de la Société archéologique du Gers  1936 : G. Brégail : Le Président d’Orbessan et son foyer artistique et intellectuel 1716-1796.

 

[8] Journal official de la Monarchie, puis de la République, puis de l’Empire ; c’est le JO actuel.

 

[9] AD Gers : 1M 242

 

[10] AD Haute-Garonne : 4 M 61 Lettres à Joly

 

[11] AD Haute-Garonne : 4 M 61 Lettres à Joly

 

[12] AD Gers : 1 M 278

 

[13] AD Gers : Journal du Gers Le pays  du 16 septembre 1848

 

[14] AD Gers :  Le pays  du 23 septembre 1848

 

[15] AD Haute-Garonne :  4 M 61 Rapports reçus par le Commissaire de la République Joly .

 

[16] AD Gers : Journal L’opinion

 

[17] AD Gers : Journal L’égalité : 1er numéro le 17 avril 1849 rédigé par des démocrates d’Auch et de Condom

 

[18] Lepeletier, nom du Jacobin qui avait voté la mort du roi et qui avait fait voter une loi supprimant le crime de blasphème passible de la peine de mort sous l’Ancien Régime. Assassiné le 20 janvier 1793, il avait été transporté au Panthéon et considéré comme un martyr de la Révolution.

 

[19] Bulletin de la Société archéologique du Gers 1902 et 1903 : G Brégail : Luttes politiques des Girondins et des Montagnards dans le département du Gers et Un révolutionnaire gersois : Lantrac

 

[20] Annuaire du département du Gers. Auch chez F Labat imprimeur de la Préfecture rue Dessoles.

 

[21] Biographie par J. Noulens directeur de la Revue d’Aquitaine et inspecteur des monuments du Gers.  Paris. Dumoulin , libraire-éditeur de l’école des chartes Quai des augustins 13 (AD du Gers)

 

[22] Bulletin de la Société archéologique du Gers 1980 : André Péré : Les David une famille auscitaine de magistrats et d’hommes politiques.

 

[23] Articles cités note 18

 

[24] BSAG 1963 : J. Cavé : La  Société départementale d’agriculture dans ses efforts pour le reboisement de 1797 à 1830

 

[25] 1M242 et 1M247

 

[26] Sous la direction de Georges Courtès :  Deux siècles d’histoire de Lectoure 1780-1980. Georges Courtès : Personnalités politiques du XIXème siècle.  Publié par la Société archéologique du Gers

 

[27] Bargeton, Bougard,  Le Clère et Pineau Les préfets du 11 Ventôse an VIII au 4 septembre 1870. Répertoire nominatif et territorial. Paris Archives nationales.1981. Publié par l’Association du corps préfectoral

 

[28] Bulletin de la société archéologique du Gers : 1969 : André Lagarde : les origines du Maréchal Lannes

 

[29] plaque de l’Hôtel de ville de Lectoure : don à la ville  du château du Maréchal par sa veuve et ses enfants le 1er septembre 1819.

 

[30] AD Gers : 3 J 34.  Ainsi que :  Lectoure 1769-1969 publication du bi-centenaire de la naissance du Maréchal Lannes. Publié par la Société archéologique du Gers. 

 

[31]  Base Leonore. Centre historique des archives nationales.

 

[32] Bulletin de la société archéologique du Gers 1961 : Guy Palmade : Le département du Gers à la fin du Second Empire.

 

[33] AD Haute-Garonne :  Lettres de Pégot-Ogier à Joly de mars 1848. 4 M 61.

 

[34] AD Gers : 1 M 266

 

[35] AD Haute-Garonne : lettre de Pégot-Ogier à Joly : 4 M 61

 

[36] AD Gers : 1 M 266

 

[37] COURTÈS Georges (sous la direction de)  Sous-préfets et sous-préfectures du département du Gers 1800-2000. Société archéologique, historique, littéraire et scientifique du Gers.

 

[38]  AD Gers : Journal conservateur L’opinion

 

[39] AD Gers : Journal républicain Le Pays

 

[40] Archives municipales de Lectoure: recensements de 1846, 1876 et 1881

 

[41] AD Gers : 1 M 66

 

[42]  COURTÈS Georges (sous la direction de)  Sous-préfets et sous-préfectures du département du Gers 1800-2000. Société archéologique, historique, littéraire et scientifique du Gers.

 

[43] Le franc républicain journal républicain créé par Canteloup contre Alem, le 23 mars 1848.

 

[44] BSAG 1991 : G de MONSEMBERNARD :  L’évolution politique du Gers de 1848 à 1940 à travers l’élection du Conseil général

 

[45] Alain GEAY : Condom et les Condomois. Passé Simple. Editions Alan Sutton.

 

[46] Jeanne Gilmore : La république clandestine 1818-1848. Aubier. Histoire

 

[47] Bulletin de la société archéologique du Gers 1961-1962 : Paul MESPLÉ :  L’opposition condomoise sous la monarchie de Juillet et la Révolution de 1848 en Gascogne

 

[48] Avec l’aide d’un descendant de la famille Dubarry de Lassale, Philippe Saint-Aubin.

 

[49] Bulletin de la société archéologique du Gers 1991 : G de Monsembernard L’évolution politique du Gers de 1848 à 1940 à travers l’élection du Conseil général

 

[50] AD Gers : extrait du registre des délibérations du Conseil Général du Gers, séance du 1er septembre 1845

 

[51] AD Gers 2 M10

 

[52] Sous-préfets et sous-préfectures du département du Gers 1800-2000. Sous la direction de Georges Courtès. Edité par la Société archéologique, historique, littéraire et scientifique du Gers

 

[53] Sur quatre sous commissariat je n’en ai quand même qu’un seul qui marche convenablement, celui de Condom. Lettre adressée par Barousse au Commissaire général le 11 mai 1848. AD Haute-Garonne 4 M 61.

 

[54] AD Gers : Journal  L’étoile d’Aquitaine.  Rédacteur en chef : Etienne Lamarque, soutenu par Ledru Rollin. Hebdomadaire montagnard du dimanche qui paraît  du 25 août 1845 au 24 juin 1849.

 

[55] Eauze terre d’histoire. Coordination Jeannine Lemaire conseillère municipale.

 

[56]Je n’ai pas trouvé l’acte : les registres d’Eauze sont en très mauvais état et l’année 1800 absente.

 

[57] Etat civil : AD Gers : 5 E 26184

 

[58] discours publié par Le Moniteur universel du 20 juin 1848.

 

[59] AD Gers. : Journal L’étoile d’Aquitaine.

 

[60] L’Ami du peuple, journal national dirigé par Raspail pendant la  Seconde république.

 

[61] AD Haute-Garonne : 4 M 123 : Rapports sur les francs-maçons et les carbonaris.

 

 

[62] Allusion à « l’homme rouge » , Pierre Arnoux, compagnon charpentier, poursuivi parce qu’il portait un paletot rouge

 

[63] Le journal est surveillé et harcelé par le commissaire de police : Rapports de situation politique, morale et matérielle AD Gers 1 M 278

 

[64] Victor Schœlcher : Histoire des crimes du 2 décembre. Bruxelles chez les principaux libraires, édition considérablement augmentée. 1852. Tome II Chapitre IX : La Résistance a été faite principalement par la bourgeoisie. (sur site :  1851.fr)

 

[65] AD Gers 1 M 278

 

[66] AD Gers 1 M 278