Décembre 1851 : Toulon, La Seyne, sociétés secrètes ?

Décembre 1851 : Toulon, La Seyne, sociétés secrètes ?

 

 par René Merle

 

On trouvera ici une documentation puisée dans les archives de la répression (décembre 1851 – janvier 1852), relative à l’existence présumée, à Toulon et dans son vis-à-vis, La Seyne, de ce versant « occulte » de la démocratie socialiste : les sociétés secrètes, mises en place pour s’opposer à un éventuel coup de force gouvernemental ou présidentiel, voire pour déclencher un mouvement insurrectionnel préventif.

 

Cette documentation peut aider à nourrir des réflexions sur la réalité et l’action éventuelle de ces sociétés. On trouvera quelques-unes de ces interrogations à la fin de chaque partie de ce texte (Toulon – La Seyne).

 

Cette note focalise sur l’événement de décembre et ses suites immédiates, elle ne suit pas ces militants dans leurs condamnations et leurs destins ultérieurs. En ce qui concerne les condamnations à A+ et A-, on se réfèrera à l’indispensable ouvrage de Maurice BEL, Les condamnés à l’Algérie en 1852 dans le département du Var, chez l’auteur M.BEL, le Mont Rose, 11 avenue de Picardie, 06000 Nice. Pour les démocrates qui réapparaissent plus tard dans la vie publique, on se reportera la thèse d’Émilien CONSTANT, enfin accessible dans une toute récente édition : Le département du Var sous le Second Empire et au début de la IIIe République, tomes I et II, Association 1851 pour la mémoire des résistances républicaines, 2009. On retrouvera également nombre de noms dans la liste des pensions attribuées en 1882 aux victimes du coup d’État : cf. : René MERLE – « Liste des victimes du coup d’État pensionnées en 1882 ». (l’article donne in fine les références pour accéder à chaque commune).

 

Signalons seulement que la plupart des démocrates cités ci-dessous furent condamnés et que trois moururent lors de leur déportation en Algérie : CHABAUD, JASSAUD, LEDEAU.

 

 

 

TOULON

 

Sources :

 

A.D Var, 4 M 17 à 24 et plus particulièrement :

 

– Liste dressée par le Procureur de la République des individus qui font partie d’une société secrète ayant pour but le renversement du gouvernement. Toulon, 13 décembre 1851 [doc1].

 

– Liste, adressée par le Commissaire central de police au Procureur de la République, des individus qui se sont absentés de Toulon depuis le 2 décembre 1851. Toulon, 17 décembre 1851 [doc2] .

 

– Rapport du Commissaire central de police au Procureur de la République touchant quelques individus signalés comme agents de désordre, ou ayant fait partie de sociétés secrètes, Toulon, 7 janvier 1852 [doc3]. (Ce document reprend les rapports dénonciateurs déjà anciens de deux agents infiltrés, BREST et BARRAS).

 

– Rapport du Commissaire central de police au Procureur de la République sur les individus qui ont fait l’objet d’un rapport spécial à l’autorité administrative, avant l’insurrection de décembre. Toulon, 31 janvier 1852 [doc4].

 

 

Bibliographie

 

– Sur la situation toulonnaise en amont de l’événement :

 

L’ouvrage essentiel demeure évidemment celui de Maurice AGULHON, Une ville ouvrière au temps du socialisme utopique. Toulon de 1815 à 1851, Paris, Mouton, 1970. L’étude se termine à la veille immédiate du coup d’État.

 

On trouvera aussi des éléments dans : Charles GALFRÉ, Le matricule 5005 est mort au bagne, Éditions Jeanne Laffitte, 2001

 

Une mise au point récente :

 

René MERLE, « Des élections de 1850 au coup d’État du 2 décembre 1851 : les Républicains de Toulon et de sa proche région », Bulletin de la Société des Amis du Vieux Toulon et de sa région, n°128, 2006

 

 

– Sur l’événement à Toulon :

 

Les événements de décembre 1851 à Toulon sont bien connus depuis l’ouvrage classique de Noël BLACHE, Histoire de l’insurrection du Var en décembre 1851, Paris, 1869.

 

Une mise au point récente : René MERLE, (op.cit. ci-dessus).

 

Pour la bonne compréhension de la liste donnée ci-dessous, rappelons rapidement le fil des événements. Depuis trois ans, les démocrates les plus actifs sont regroupés dans ce que BLACHE (op.cit) appelle « le Comité démocratique ». La nouvelle du coup d’État parvient à Toulon le 3 décembre 1851. Après une nuit d’indécisions, une délégation de ces démocrates tente d’être reçue le 4 au matin par le maire et le sous-préfet. Le 4 au soir, quelques centaines de républicains se rassemblent au Champ de Bataille (actuelle place d’Armes), ils sont dispersés par la force, et des arrestations sont opérées. Le 5 au soir, un rassemblement qui se veut clandestin de 300 à 400 républicains a lieu à l’extrémité Est de Saint Jean du Var. Les Autorités ont été prévenues par des indicateurs, et 71 arrestations sont opérées. C’est la fin de la résistance à Toulon. Les autorités établissent une liste de suspects ayant quitté leur domicile, et lancent contre la plupart d’entre eux des mandats de justice. Dans l’établissement de cette liste, sont largement mises à contribution les dénonciations faites par deux agents infiltrés, BREST et BARRAS, en 1850-1851. L’affaire dite du complot (octobre 1850) de Toulon est le pivot de ces deux dénonciations : BREST déclare été reçu dans la société secrète de la Vieille Montagne, avant les arrestations d’octobre 1850, BARRAS dénonce les conjurés de la Nouvelle Montagne, qui semble s’être mise en place à partir de l’été 1850.

 

Il aurait été long et répétitif de donner ici, nom par nom, le détail des accusations, qui se résument en fait à la dénonciation d’appartenance à une société secrète, faite par les deux agents infiltrés ou par « la clameur publique » ( !), et/ou à une présence constatée aux rassemblements du 4 et du 5 décembre, un peu vite baptisés insurrectionnels.

 

Dans l’implantation géographique des « affiliés », les rapports distinguent ceux qui habitent Toulon (c’est-à-dire le cœur de la cité d’aujourd’hui, le « vieux Toulon », alors ceinturé de remparts entre l’actuel boulevard de Strasbourg et le port) de ceux qui habitent les « faubourgs », séparés de la ville par de vastes espaces non constructibles : Le Pont du Las à l’Ouest, Le Mourillon au Sud-Est, Saint-Jean du Var (les Maisons Neuves) à l’Est.

 

Dans la rapidité de la répression, un certain nombre de noms sont donnés sans adresse : négligences ? imprécision du dénonciateur ? adresses suffisamment connues pour ne pas être rappelées ?

 

 

 

ABEL Marius Antoine, 5 rue Bonnefoi (Bonnefoy), (Toulon centre, près de la place Puget). Né en 1826. Menuisier (ex-ouvrier du Port, révoqué). Ce démocrate notoire « fait partie d’une société secrète ayant pour but de renverser le gouvernement » écrit le Procureur le 13 décembre 1851 [doc1]. « A quitté son domicile » après le 5 décembre [doc2] : il est en fuite.

 

ACHARD Étienne, né à Draguignan en 1806. En 1850, il tient le Café du Var, Place d’Italie (à l’Est de Toulon ville), tout en exerçant le métier de sellier. Mentionné par BLACHE (op.cit) comme faisant partie du « comité démocratique », il est accusé par BREST d’appartenir à la société secrète « la Vieille Montagne » et d’offrir son café comme lieu de réunion aux « démagogues » [doc3]. Il est l’objet d’une visite domiciliaire en octobre 1850, puis d’une inculpation, dans l’affaire dite du Complot de Toulon. En 1851 il revient s’établir sellier à Draguignan, d’où il fuit après le coup d’État.

 

AIGUIER, boulanger, 9 rue du Chapeau rouge (Toulon ville, quartier de la Visitation dit quartier réservé, au Nord-Est du cours Lafayette), est signalé comme ayant quitté son domicile [doc2].

 

ANDRIEU, « sujet sarde », garçon boulanger, 3 rue Lirette (Toulon centre, quartier de la Visitation dit quartier réservé, au Nord-Est du cours Lafayette). « A quitté son domicile » [doc2] : il est en fuite.

 

ANGLADE  Joseph Romain, né en 1822, maître tailleur d’habits, 2 rue Castillon au Mourillon. Il est signalé comme « chef de section de la société secrète » par le Procureur de la République le 13 décembre 1851 [doc1]. « A quitté son domicile. Un mandat de justice a été décerné contre lui depuis son évasion » [doc2]. Signalé « en fuite » fin janvier 1852 [doc4].

 

ARDISSON, maçon. Signalé comme membre d’une société secrète par le commissaire de police du 1er arrondissement [doc3]. Il est arrêté dans la dispersion de la manifestation du 4 décembre.

 

ASTIER, « portefaix à blé, ami de Daumas son ancien condisciple, il a dû faire partie de la même société secrète que ce dernier » dénonce BREST, [doc4], c’est à dire initialement la Vieille Montagne.

 

AUBE, contremaître cloutier à l’Arsenal, domicilié au quartier de Claret. A déjà reçu comme suspect une visite domiciliaire en novembre 1851 ?

 

AUGIER (AUZIER) Antoine Joseph, portefaix à blé, 14 rue Ste Croix (Toulon centre, vers l’actuel Palais de Justice). En 1850, il est dénoncé par BREST, agent infiltré, comme faisant partie de la société secrète de la Vieille Montagne [doc3]. Selon BREST [doc3], il aurait ensuite remplacé Augustin DAUMAS, emprisonné depuis plusieurs mois, comme agent correspondant avec les comités de Paris, de Lyon. Il s’agit donc déjà de la Nouvelle Montagne. Peu avant le coup d’État, un rapport de police signale son voyage à Perpignan, où il aurait rencontré les « rouges » catalans. Il est dénoncé par BARRAS, agent infiltré, comme chef de section de « la société montagnarde » (donc la Jeune Montagne) [doc3], il est accusé d’être « chef de section de la société secrète » par le Procureur de la République le 13 décembre 1851 [doc1].

 

AUNE fils, tailleur de pierre, rue Lamalgue, au Mourillon. « A quitté son domicile. Un mandat de justice a été décerné contre lui depuis son évasion » [doc2]. Il est en fuite.

 

AUTHIER Pierre, portefaix à blé, 4 rue Andrieu (dans l’actuelle vieille ville). En 1850, il est dénoncé par BREST, agent infiltré, comme membre de la société secrète de la Vieille Montagne [doc3]. Dénoncé ensuite par BARRAS, agent infiltré, comme chef de section de « la société montagnarde » (donc la Jeune Montagne) [doc3], il est accusé d’être « chef de section de la société secrète » par le Procureur de la République le 13 décembre 1851 [doc1].

 

BARRALIER François Hippolyte, né à Toulon en 1816, courtier. Dénoncé par l’agent infiltré BARRAS, comme assurant la réception des affiliés à la « société montagnarde » (désignation de la Jeune Montagne) au Pont du Las [doc3]. Signalé comme faisant le lien avec les « démagogues » de La Seyne, il est accusé d’être « membre de la société secrète » par le Procureur de la République le 13 décembre 1851 [doc1].

 

BARRÈLE, (BARRÈRE) cordonnier, a fait l’objet d’une visite domiciliaire en octobre 1850 au moment de l’instruction du complot dit de Toulon. Il est accusé en janvier 1852 d’avoir été le chef de section d’une société secrète [doc4].

 

BEAUCHIER, « Commis marchand, Démagogue exalté » [doc4].

 

BENOÎT, maître maçon, au Pont du Las. « A quitté son domicile. Un mandat de justice a été décerné contre lui depuis son évasion » [doc2]. Il est en fuite.

 

BERNARD, marchand de fruits secs, place Saint Pierre (Toulon centre), « démagogue pur sang », « a eu quelquefois chez lui des réunions, désigné comme démagogue exalté, ami du Sieur ARNAUD, ex représentant du peuple » [doc4], il est accusé par le Procureur de la République le 13 décembre 1851 d’être « membre de la société secrète » [doc1].

 

BERNIER Philippe, « signalé par la clameur publique » ( !) comme membre d’une société secrète, mais « je n’ai rien appris de sérieux sur son compte » écrit le Commissaire central [doc3].

 

BILLAUD, ferblantier, rue des Chaudronniers (actuelle rue d’Alger, centre ville), « désigné comme démagogue pur sang, beau-frère de PEYSSEL qui est arrêté », [doc4].

 

BOÉRI François, cabaretier, rue Castillon, au Mourillon, maison Caste. « A quitté son domicile. Un mandat de justice a été décerné contre lui depuis son évasion » [doc2]. Il est en fuite.

 

BOIS Guillaume, gardien de vaisseaux en retraite, 6 rue Savonnière (dans la vieille ville). Dénoncé par BARRAS, agent infiltré, comme membre de « la société dont le but était le renversement de la République existante » (donc la Jeune Montagne) [doc3].

 

BOURGEOIS, a reçu une visite domiciliaire lors de l’instruction du complot de Toulon en 1850.

 

BOUZIN (BOUSIN) Joseph, au Pont du Las, né à Toulon en 1804, Inquiété en 1850 au moment du complot dit de Toulon, il est signalé comme « membre de la société secrète » par le Procureur de la République le 13 décembre 1851 [doc1].

 

BOYER Jean, gardien de vaisseaux en retraite, 1 rue Laborde (au Pont du Las), dénoncé par BARRAS, agent infiltré, comme membre de « la société dont le but était le renversement de la République existante » (donc la Jeune Montagne) [doc3]. Accusation reprise par le Procureur le 13 décembre 1851 [doc1].

 

BROQUIER, suspect depuis sa dénonciation par BREST, agent infiltré, d’appartenance à la société secrète de la Vieille Montagne [doc3].

 

CABOULET, ancien militaire, capitaine en retraite, 15 rue Merle (dans la vieille ville, Besagne), signalé par le commissaire du 3ème arrondissement comme « démagogue exalté, l’un des chefs de la propagande socialiste » à La Seyne [doc3], où il aurait été chef de section d’une société secrète à La Seyne, avant de de venir habiter Toulon. Il est accusé le 13 décembre par le Procureur de faire partie à Toulon «  d’une société secrète ayant pour but de renverser le gouvernement »  et d’être « chef de section » [doc1]. Il est signalé « Arrêté » fin janvier 1852 [doc4].

 

CALVET Pierre, né à Castres (Tarn), en 1812, cultivateur et cabaretier au Champ de Mars (en limite Est de Toulon ville),. Il est signalé en 1850 par BREST, agent infiltré, comme membre de la société secrète de la Vieille Montagne : sa guinguette servirait de lieu de réception pour les nouveaux affiliés [doc 3]. Jugé comme « homme extrêmement dangereux » par le Commissaire central en janvier 1852 [doc4] .

 

CAMATE, cuisinier, 2 rue Saint Cyprien (centre ville, près de la Cathédrale). « A quitté son domicile » [doc2]. Il est en fuite.

 

CARRIÈRE, cultivateur, quartier du Fort Faron, suspecté (sans résultat) d’avoir caché un pistolet appartenant à LAFAGE

 

CAVALIER, ex-commis aux vivres de la Marine (licencié), 17 rue Armedieu (aujourd’hui rue Larmodieu, Toulon centre). Employé du journal Le Démocrate du Var. Il est accusé par le Procureur (13 décembre 1851) d’être « membre de la société secrète » [doc1]. « A quitté son domicile » [doc2]. Il est en fuite.

 

CHABAUD Jean Joseph Pierre, né à Solliès-Ville en 1817, charpentier à l’Arsenal (licencié). Signalé comme membre d’une société secrète par le commissaire de police du 1er arrondissement [doc3], il est arrêté dans la dispersion de la manifestation du 4 décembre et déporté en Afrique, où il meurt.

 

CHARRIER, imprimeur chez la Veuve Baume (qui imprime Le Démocrate du Var), et responsable du restaurant phalanstérien.

 

CHAULAN, ex pompier de la Marine (licencié), Accusé d’être « membre de la société secrète » par le Procureur de la République le 13 décembre 1851 [doc1].

 

CHOFFEL, ex ouvrier de l’Arsenal, colporteur du journal Le Démocrate du Var.

 

CLAVEL Laurent, signalé « par la rumeur publique » comme membre d’une société secrète, mais  « je n’ai rien appris de sérieux sur son compte » ajoute le Commissaire central [doc3].

 

COLLOT Martin, signalé « par la rumeur publique » comme membre d’une société secrète, mais  « je n’ai rien appris de sérieux sur son compte » ajoute le Commissaire central [doc3].

 

DELMAS, suspect depuis qu’il a fait l’objet d’une visite domiciliaire en 1850, au moment du complot dit de Toulon.

 

DESOYE (DESOIE) Théodore, Parisien, 41 rue nationale, au Pont du Las, lythographe (typographe) chez la Veuve Baume, colporteur du Démocrate du Var. « A quitté son domicile » [doc2]. Il est en fuite.

 

DESPAX (DESPAS), cafetier, rue de la Chapelle au Pont du Las. Dénoncé par BARRAS, agent infiltré, comme chef de section de « la société montagnarde » (donc la Jeune Montagne) et d’accueillir les affiliations [doc3]. Accusé d’être « chef de section de la société secrète » par le Procureur de la République le 13 décembre 1851 [doc1].

 

DISPARD Édouard François Timothée, né à La Cadière en 1810, menuisier. Il est arrêté dans la dispersion de la manifestation du 4 décembre.

 

DUBARD, forgeron, rue Élizabeth, au Pont du Las, « démagogue signalé pour être très dangereux » [doc4]

 

DUPONT, serrurier au Pont du Las, Signalé comme « membre de la société secrète. A pris le nom de franc tireur extra rouge » par le Procureur de la République le 13 décembre 1851 [doc1].

 

FABRE, liquoriste,17 rue de l’arsenal (centre ville), « démagogue extrêmement exalté » [doc4]. Il a fait partie de la délégation du 4 décembre. « A quitté son domicile » [doc2]. « frère de l’ex conseiller municipal qui est arrêté » [doc4].

 

FABRE, Antoine, 10 rue Bonnefoy (centre ville, près de la place Puget), né à Six Fours en 1821, charpentier (ouvrier de l’Arsenal révoqué en 1849), ex-conseiller municipal (l’élection d’une poignée d’ouvriers avait fait date en 1849). Il a fait partie de la délégation du 4 décembre Accusé d’être membre d’une société secrète par le Procureur le 13 décembre 1851 [doc1]. « A quitté son domicile » [doc2]. Arrêté. (il est le frère du précédent).

 

FAYE, menuisier, employé à la boulangerie rue de l’Arsenal (centre ville), chez Bernard chapelier. Accusé par le procureur (13 janvier 1852) : « fait partie d’une société secrète ayant pour but de renverser le gouvernement » [doc1].

 

FÉRAUD fils, tailleur de pierres. Mentionné par BLACHE (op.cit) comme faisant partie du « comité démocratique ». Il a fait l’objet d’une visite domiciliaire lors de l’instruction du complot dit de Toulon en 1850. Signalé comme « simple membre de la démagogie » le 13 décembre [doc1], il devient en janvier « démagogue des plus influents, il est signalé comme ayant été le chef d’une société secrète » ! [doc4].

 

FLAYOL(S), marchand de liqueurs distillateur, 14 rue Lamalgue au Mourillon. Dénoncé par BARRAS, agent infiltré, comme membre et chef de section de « la société montagnarde » (donc la Jeune Montagne) [doc3]. Accusé par le Procureur (13 janvier 1852) : « fait partie d’une société secrète ayant pour but de renverser le gouvernement »  [doc1]. Signalé «  arrêté » fin janvier 1852 [doc4].

 

FORTOUL Hyacinthe Quénis, né à Saint Tropez en 1812, pharmacien officier de santé, (Toulon ville), suspecté par BARRAS, agent infiltré, d’être membre du comité central de Toulon de la société secrète (donc la Jeune Montagne) [doc3]. Signalé comme membre d’une société secrète par le commissaire de police du 1er arrondissement [doc3], il est  accusé par le Procureur le 13 décembre 1851 d’être « membre du conseil central de la société secrète » [doc1].  Il est arrêté dans la dispersion de la manifestation du 4 décembre.

 

FOUQUE(S), Audibert Paul, né à La Roque d’Anthéron en 1813, confiseur chocolatier. Mentionné par BLACHE (op.cit) comme faisant partie du « comité démocratique ». Il a fait l’objet d’une visite domiciliaire lors de l’instruction du complot dit de Toulon en 1850. Dénoncé par BARRAS, agent infiltré, comme membre du comité central de Toulon de la société secrète (donc la Jeune Montagne) [doc3]. Signalé comme un des initiateurs de la manifestation du 4. Il a été arrêté dans la dispersion de la manifestation. Il est accusé par le Procureur de la République (13 décembre 1851) d’être  « président du comité central de la société secrète » [doc1].

 

FOURNIER Étienne Jean, cuisinier, né en 1816 à Toulon. Signalé « par la clameur publique » comme membre d’une société secrète, mais « je n’ai rien appris de sérieux sur son compte »  écrit le Commissaire central [doc3]. Cependant d’autres sources indiquent qu’il a fait partie de la délégation du 4 décembre.

 

GALLY, ouvrier maçon, au Pont du Las. « A quitté son domicile » [doc2]. Il est en fuite.

 

GERBIN, agent de remplacement militaire, 14 rue Albert (vieille ville). «  aussi dangereux que le précédent (SERRAILLE) » [doc4]. « A quitté son domicile » [doc2]. Il est en fuite.

 

GIRARD, ouvrier ajusteur à l’Arsenal, signalé comme portant toujours une cravate rouge. Dénoncé comme membre de la société montagnarde par le commissaire de police du 1er arrondissement [doc3]. Il est arrêté dans la dispersion de la manifestation du 4 décembre.

 

GRANGE, suspect depuis qu’il a reçu une visite domiciliaire en 1850 au moment de l’enquête sur le complot dit de Toulon.

 

GROUETTE, journalier à l’arsenal maritime (atelier tôlerie), signalé comme «  démagogue des plus exaltés, ayant fait, et s’occupant peut-être encore, de propagande socialiste » [doc4]

 

GUÉRIN aîné, maçon, 3 rue Sainte Marie au Mourillon. « signalé par le commissaire de police Augier comme extrêmement dangereux » [doc4]. « A quitté son domicile » [doc2]. Il est en fuite.

 

GUIZOT, cordonnier, 3 rue Saint Michel au Pont du Las. Suspect depuis qu’il a reçu une visite domiciliaire en 1850 au moment de l’enquête sur le complot dit de Toulon. Accusé le 13 décembre par le Procureur d’être « membre de la société secrète. A pris le nom de franc tireur rouge » [doc1].

 

GUYAUT Claude, cloutier, 19 rue Navarin (détruite pendant la guerre, sur l’emplacement de l’actuelle cité Langevin). Il a été dénoncé par BARRAS, agent infiltré, comme membre de « la société dont le but était le renversement de la République existante » (donc la Jeune Montagne) [doc3].

 

HATTIER François, signalé « par la clameur publique » comme membre d’une société secrète, mais « je n’ai rien appris de sérieux sur son compte », écrit le Commissaire central [doc3].

 

HOBERT(T) Nicolas, né en 1828 à St Ostrude (Yonne), serrurier forgeron ouvrier d’artillerie à l’Arsenal (révoqué), un des accusés du complot de Toulon en 1850, a été dénoncé par Barras comme chef sectionnaire de la « société montagnarde » [doc3].

 

HOMDOSTOCK, journalier à l’Arsenal maritime (atelier de la tôlerie), accusé d’être un «  démagogue des plus exaltés, ayant fait, et s’occupant peut-être encore, de propagande socialiste » [doc4]. 

 

HOURCAUD Silvain, menuisier, 8 rue Entrechaux au Mourillon, signalé comme chef de section de société secrète en 1851. Dénoncé par BARRAS, agent infiltré, comme membre et chef de section de « la société montagnarde » (donc la Jeune Montagne) [doc3]. Accusé le 13 décembre par le Procureur : « fait partie d’une société secrète ayant pour but de renverser le gouvernement » : [doc1]. Signalé comme «  arrêté » fin janvier 1852 [doc4].

 

HUGUES, cordonnier, 2 rue Saint Michel au Pont du Las. Accusé le 13 décembre par le Procureur d’être « membre de la société secrète. A pris le nom de franc tireur rouge » par le Procureur de la République le 13 décembre 1851 [doc1].

 

IMBERT Martin, aubergiste, 117 rue nationale au Pont du Las, Accusé le 13 décembre par le Procureur d’être « membre de la société secrète. A pris le nom de franc tireur rouge » [doc1].

 

ISNARD Étienne Jean, né à Méounes en 1822, marchand de vin, rue de la Valette à Saint Jean du Var. Dénoncé par BARRAS, agent infiltré, comme membre de « la société dont le but était le renversement de la République existante » (donc la Jeune Montagne) [doc3]. Accusé par le Procureur le 13 décembre d’être « chef de section de la société secrète » [doc1]. Signalé «  arrêté » fin janvier 1852 [doc4].

 

ISNARD, maçon, quartier Ste Élisabeth, « signalé comme démocrate socialiste des plus dangereux » [doc4].

 

JASSAUD (JAUSSAUD) Jean Baptiste Louis, né en1811 à Toulon, ouvrier à l’Arsenal. Signalé comme membre d’une société secrète par le commissaire de police du 1er arrondissement [doc3]. Déporté en Algérie, il décèdera en août 1852 à Mascara.

 

JEAN Jules, cordonnier, « démagogue dangereux » [doc4]. Désigné « par la clameur publique » comme membre d’une société secrète, mais « je n’ai rien appris de sérieux sur son compte » ajoute le Commissaire [doc3]

 

JORDANE Louis, ouvrier chapelier, rue du Puits (vieille ville). « A quitté son domicile » [doc2]. Il est en fuite.

 

JOUVENAL Gabriel Joseph Alexis (Alexandre), 35 rue des Riaux (vieille ville), né en 1804 à Toulon, charpentier, mutualiste (cf. AGULHON, op.cit), ex-ouvrier de l’Arsenal (révoqué), ex conseiller municipal (l’élection d’une poignée d’ouvriers avait fait date en 1849). Il a été l’objet d’une visite domiciliaire au moment du complot de Toulon en 1850. Il est accusé par le Procureur le 13 décembre : « fait partie d’une société secrète ayant pour but de renverser le gouvernement »  [doc1].

 

LAFAGE (LAVAGE) Pierre, né à Francoules (46) en 1802, menuisier à l’Arsenal, 7 rue de l’Arsenal. Signalé comme membre d’une société secrète, aurait proféré des menaces de mort à l’égard du vice-amiral [doc3].

 

LACAZE, menuisier. Signalé comme membre d’une société secrète par le commissaire de police du 1er arrondissement [doc3]. Il est arrêté dans la dispersion de la manifestation du 4 décembre.

 

LANGLADE, tailleur d’habits au Mourillon. Confusion probable avec ANGLADE. Il est dénoncé par BARRAS, agent infiltré, comme chef de section de « la société montagnarde » (donc la Jeune Montagne) [doc3].

 

LAUGIER Joseph, ex-ouvrier coutelier de l’Arsenal (atelier des mécaniciens), (révoqué), 97 rue des Riaux (vieille ville). «  Cet homme est également signalé comme des plus dangereux, ayant été le secrétaire de la société secrète dont les conciliabules se tenaient, à des époques indéterminées, rue des Riaux, maison n°97, au 4e étage. On le croit en fuite, n’ayant plus reparu dans cette maison où sa famille demeure au 2e étage » [doc4]

 

LAURENT Vincent, menuisier, 7 rue du Pradet. Dénoncé par BARRAS, agent infiltré, comme chef de section de « la société montagnarde » (donc la Jeune Montagne) [doc3]. Accusé par le Procureur le 13 décembre : « fait partie d’une société secrète ayant pour but de renverser le gouvernement » [doc1]. « A quitté son domicile. Un mandat de justice a été décerné contre lui depuis son évasion » [doc2]. En fait il se serait rendu à Solliès-Ville pour essayer de contacter des insurgés. Signalé « en fuite » fin janvier 1852 [doc4].

 

LAYET (LAYÉ) Charles Jean Baptiste, né à Toulon en 1819, menuisier, 17 rue de l’Hôpital (Toulon ville). « désigné comme démagogue des plus dangereux » [doc4]. Accusé par le Procureur le 13 décembre d’être « chef de section de la société secrète » [doc1]. « A quitté son domicile » [doc2]. Arrêté presque aussitôt.

 

LEDEAU Camille, né à Toulon en 1814, lieutenant de vaisseau, (il a démissionné et est devenu une des plumes du journal démocrate). « Désigné par la clameur publique comme membre d’une société secrète », écrit le Commissaire, avant d’ajouter : « je n’ai rien appris de sérieux sur son compte », sinon qu’on le lui a signalé comme « l’un des principaux souteneurs du restaurant sociétaire, repaire de la démagogie » ! [doc3]. Mais réflexion faite, le même indique peu après : « arrêté, l’un des principaux fondateurs de la Démocratie du Var, et du restaurant sociétaire. Désigné comme chef de propagande socialiste » [doc4]

 

LEDROIT Charles François, né en 1821, cordonnier, Signalé comme membre d’une société secrète, puis comme responsable, par le commissaire de police du 1er arrondissement [doc3]. Il est arrêté dans la dispersion de la manifestation du 4 décembre.

 

LEGAY (LEGUAY), Elme Fortuné, tailleur d’habits, 9b rue Lafayette (Toulon centre), né à Toulon en 1826. Il est mentionné par BLACHE (op.cit) comme faisant partie du « comité démocratique ». En 1850, il est dénoncé par BREST, agent infiltré, comme faisant partie de la société secrète de la Vieille Montagne [doc3]. Il fait partie de la délégation le 4 décembre. Accusé par le Procureur le 13 décembre : « fait partie d’une société secrète ayant pour but de renverser le gouvernement » [doc1]. « A quitté son domicile. Un mandat de justice a été décerné contre lui depuis son évasion  » [doc2]. Dénoncé comme « chef sectionnaire, en fuite », fin janvier 1852 [doc4].

 

LIAUTAUD, chargeur, rue Saint Michel au Pont du Las. Accusé le 13 décembre par le Procureur d’être « membre de la société secrète. A pris le nom de franc tireur extra rouge » [doc1].

 

LOISEAU, (LOYSEAU) maître menuisier, quartier Espagne, chemin du Temple, « première maison à droite », au Pont du Las. Dénoncé par BARRAS, agent infiltré, comme chef de section de « la société montagnarde » (donc la Jeune Montagne) [doc3]. Il est accusé le 13 décembre par le Procureur d’être « chef de section de la société secrète » [doc1]. « A quitté son domicile » [doc2]. Signalé « en fuite » fin janvier 1852 [doc4].

 

LYON, 50 rue Pomme de Pin (vieille ville). « Ouvrier renvoyé du Port. A quitté son domicile » [doc2]. Il est en fuite.

 

MAGLOIRE, menuisier au Mourillon, «  homme extrêmement dangereux » [doc4]

 

MARIN, signalé comme membre d’une société secrète par le commissaire de police du 1er arrondissement [doc3].

 

MARQUANT, docteur en médecine, 1 rue des Orfèvres (vieille ville). Né en 1806 à Lure (Haute Saône). Suspecté par l’agent infiltré BARRAS, en 1850, d’être membre de la société secrète de la Vieille Montagne. Accusé en 1851 d’être membre de la société secrète de la Jeune Montagne. A fait partie de la délégation du 4 décembre. Il est  un des initiateurs de la manifestation du 4 décembre. « A quitté son domicile » (en fait Marquant avait quitté Toulon pour contacter d’éventuels résistants dans le proche pays). « Un mandat de justice a été décerné contre lui, depuis son évasion. Il sortait de faire 6 mois de prison » [doc2].

 

MARTIN, tailleur d’habits, rue Trabuc vieille ville), « socialiste exalté » [doc4]. Un des initiateurs de la manifestation du 4 décembre.

 

MARTIN Marius, serrurier tourneur à l’Arsenal. Arrêté dans la dispersion de la manifestation du 4 décembre, il est accusé par le Procureur le 13 décembre 1851 d’être « membre de la société secrète. A pris le nom de franc tireur extra rouge » [doc1].

 

MURAT, aubergiste, 20 rue Armedieu (aujourd’hui rue Larmodieu, Toulon centre). « Cet homme est signalé pour être un des adeptes socialistes des plus exaltés ; il a quitté son domicile du 5 au 9 décembre dernier. Il recevait antérieurement à cette époque, chaque soir, une fraction de la secte démagogique dans son établissement » [doc4].

 

NIDERLINDER, instituteur, 8 rue d’Isly au Pont du Las. « A quitté son domicile » [doc2]. Il est en fuite.

 

PAUL, Eugène, boulanger, 15 rue Cavaillon (actuelle rue de Lorgues, centre ville), de Brignoles. « A quitté son domicile » [doc2]. Il est en fuite.

 

PELLISSIER (PÉLISSIER), Marius Louis agent de remplacement militaire, 8 rue des Trois Mulets (Toulon centre). «  Homme très dangereux, l’un des principaux rouges qui furent à la sous préfecture, le 4 décembre dernier » [doc4]. « A quitté son domicile » [doc2]. Il est en fuite.

 

PEYRON Étienne, marchand épicier et tourneur à l’Arsenal, 4 place Saint Roch au Pont du Las. Dénoncé par BARRAS, agent infiltré, comme chef de section de « la société montagnarde » (donc la Jeune Montagne) [doc3]. Accusé par le Procureur le 13 décembre : « fait partie d’une société secrète ayant pour but de renverser le gouvernement » [doc1]. « A quitté son domicile, un mandat de justice a été décerné contre lui depuis son évasion » [doc2]. Signalé « en fuite » fin janvier 1852 [doc4].

 

PEYRON, jardinier et mineur, 132 rue nationale, quartier du Temple au Pont du Las. Dénoncé par BARRAS, agent infiltré, comme chef de section de « la société montagnarde » (donc la Jeune Montagne) [doc3]. Accusé par le Procureur le 13 décembre d’être « chef de section de la société secrète »[doc1]. « A quitté son domicile » [doc2]. Signalé « en fuite » fin janvier 1852 [doc4].

 

PEYSSEL (PEISSEL) né à Draguignan en 1822, ferblantier, rue des Chaudronniers (actuelle rue d’Alger, centre ville). soupçonné d’être membre d’une société secrète en 1851. Accusé par le Procureur le 13 décembre d’être « membre du comité central de la société secrète » [doc1] . Il est arrêté presque aussitôt.

 

PLAISANT, maçon, quartier Espagne au Pont du Las, « reçoit souvent chez lui des démagogues, dont les réunions se prolongent jusqu’à une heure du matin » [doc4].

 

PONCY Alexandre, « maçon, homme très dangereux signalé comme agent actif de la propagande socialiste » [doc4]. Il reçoit une visite domiciliaire le 3 janvier 1852.

 

PONS, Théophile André Louis, 17 rue de l’Arsenal (Toulon ville), né à Avignon en 1802. Dénoncé par BARRAS, agent infiltré, comme membre de « la société dont le but était le renversement de la République existante » (donc la Jeune Montagne) [doc3].  « ex rédacteur du Démocrate du Var, simple membre de la démagogie » (c’est-à-dire adhérent d’une section) [doc1]. Il est accusé par le Procureur le 13 décembre d’être « membre de la société secrète » [doc1]. Pons était à Marseille au moment des événements, il n’est pas réapparu à Toulon. «  Un mandat de justice a été décerné contre lui depuis son évasion » [doc2].

 

POUCHOL Jean Baptiste, serrurier, rue de l’Équerre (vieille ville). « A quitté son domicile » [doc2]. Il est en fuite.

 

POURQUIER François Louis, né à Toulon en 1825, calfat, ancien ouvrier de l’arsenal (révoqué). Signalé comme membre d’une société secrète par le commissaire de police du 1er arrondissement [doc3]. Arrêté dans la dispersion de la manifestation du 4 décembre, il est accusé par le Procureur le 13 décembre : « fait partie d’une société secrète ayant pour but de renverser le gouvernement » [doc1].

 

REYMONENQ, boulanger, rue Cavaillon (actuelle rue de  Lorgues, centre ville). « A quitté son domicile » [doc2].

 

REYNAUD Jean Louis Dominique, né à Marseille en 1815, dégâtisseur (teinturier), 35 rue Merle. Mentionné par BLACHE (op.cit) comme faisant partie du « comité démocratique ». Il est Franc Maçon. signalé comme chef de section, sous directeur du comité central. Il avait été dénoncé par Barras, agent infiltré, comme responsable de la société secrète (donc la Jeune Montagne) [doc3]. Il est accusé le 13 décembre par le Procureur d’être « chef de section de la société secrète » et sous-directeur du comité central de Toulon [doc1].

 

RICARD Bernard, menuisier, 1 traverse des Capucins (vieille ville). « démagogue exalté » [doc4]. Accusé le 13 décembre par le Procureur de faire partie de la société secrète [doc1]. « A quitté son domicile » [doc2]. Il est en fuite.

 

RICARD Laurent, menuisier, Accusé le 13 décembre par le Procureur d’être « membre de la société secrète » [doc1].

 

RICORD Benoît, désigné « par la rumeur publique » comme membre d’une société secrète », mais « je n’ai rien appris de sérieux sur son compte » écrit le Commissaire central [doc3].

 

ROQUE, tailleur, au Mourillon. Accusé le 13 décembre par le Procureur d’être « membre de la société secrète » [doc1].

 

ROUVION Étienne, marchand de charbon, 42 rue Lamalgue au Mourillon. « A quitté son domicile » [doc2]. Il est en fuite.

 

ROUX, cafetier, suspect depuis qu’il a fait l’objet d’une visite domiciliaire en 1850 lors de l’instruction du complot dit de Toulon.

 

ROZAN, au Pont du Las, suspect depuis qu’il a fait l’objet d’une visite domiciliaire en 1850 lors de l’instruction du complot dit de Toulon

 

SAUVAN Louis, ébéniste marchand de meubles, né au Fugeret (Basses Alpes) en 1822. Mentionné par BLACHE (op.cit) comme faisant partie du « comité démocratique ». En 1850, il est dénoncé par BREST, agent infiltré, comme « sergent » (chef de section) de la société secrète de la Vieille Montagne » [doc3]. Il fait partie de la délégation du 4 décembre. Le 13 septembre, il est accusé par le Procureur de faire partie de la société secrète [doc1].

 

SERAILLE, tourneur, rue Gars, « cet homme est désigné comme extrêmement dangereux, démagogue pur sans, il est présumable qu’il a été affilié à une société secrète » [doc4].

 

SPITALIER, en 1850, dénoncé par BREST, agent infiltré, comme faisant partie de la société secrète de la Vieille Montagne [doc3].

 

TERRASSON, ancien militaire. Dénoncé par BARRAS, agent infiltré, comme membre et chef de section à La Seyne de « la société montagnarde » (donc la Jeune Montagne) [doc3]. « homme exalté de la secte » [doc3]. Signalé « en fuite » fin janvier 1852 [doc4].

 

THIBEAU Joseph, journalier à la tôlerie de l’Arsenal, signalé comme « démagogue des plus exaltés, ayant fait, et s’occupant peut-être encore, de propagande socialiste »  [doc4]

 

TRUC, tailleur, 10 rue Bonnefoi (centre ville, près de la place Puget). «démagogue très exalté, une visite domiciliaire a été opérée à son ancienne demeure, rue de l’hôpital, sous l’inculpation de détention de poudre de guerre, mais sans résultat » [doc4] . « A quitté son domicile » [doc2]. Il est en fuite.

 

VEDRÈNE (VEDRENNES) Jean Pierre, serrurier à l’Arsenal (atelier de la tôlerie), domicilié au Pont du Las. Signalé comme « démagogue des plus exaltés, ayant fait, et s’occupant peut-être encore, de propagande socialiste »  [doc4]. Accusé le 13 décembre par le Procureur d’être « membre de la société secrète. A pris le nom de franc tireur extra rouge » [doc1].

 

VENANT, cordier à l’Arsenal. Il est arrêté dans la dispersion de la manifestation du 4 décembre.

 

VENTURE Léopold, natif d’Hyères. « A quitté son domicile » [doc2]. Il est en fuite

 

VINCENT, signalé comme membre d’une société secrète par le commissaire de police du 1er arrondissement [doc3]. Confusion avec LAURENT Vincent ?

 

 

Depuis 1849, les Autorités toulonnaises dressaient périodiquement des listes de démocrates à surveiller.

 

En mai 1851, une liste recensait les 94 « démocrates exaltés » de la ville (A.D IV M 17), où figuraient pêle-mêle artisans, commerçants, ouvriers, employés, avocats et notaire, personnel du journal démocratique varois…

 

La liste dressée au lendemain du coup d’État est plus fournie que la liste de mai, mais beaucoup plus homogène socialement : à de rares exceptions près (un pharmacien, un médecin, un lieutenant de vaisseau démissionnaire), n’y figurent que des « coryphées de bas étage » : artisans modestes, petits commerçants, ouvriers. On remarquera facilement la forte présence de corporations traditionnellement acquises aux idées démocratiques avancées : boulangers, cordonniers, tailleurs. On notera également, dans l’importante représentation ouvrière, la place non négligeable des travailleurs de l’Arsenal. Leur nom est en général suivi de la mention : « ex-ouvrier du Port », ou « ex-ouvrier de l’Arsenal » : les autorités maritimes tenaient l’Arsenal d’une poigne de fer, et n’y avaient jamais laissé se développer une organisation montagnarde, en « purgeant » (selon l’expression officielle) l’entreprise de ses militants démocrates dès la mi-1848, et plus massivement en 1849-1850. C’est donc en ville que militent désormais ces travailleurs.

 

Pour désigner les suspects, le commissaire central a naturellement utilisé le vivier, plus que fourni depuis trois ans, des rapports de surveillance policière. Et, dans un premier temps, le climat d’hystérie anti-« rouge » aidant, il serait assez disposé à allonger encore cette liste. Ainsi note-t-il à propos de quatre ouvriers de l’Arsenal, VEDRENNES, HOMDOSTOCK, THIBEAU, VEDRENNES : « ces quatre hommes sont signalés pour des démagogues des plus exaltés, ayant fait, et s’occupant peut-être encore, de propagande socialiste ; mais suivant les mêmes informations, il est dit que s’ils étaient sévèrement interrogés, il y aurait probabilité qu’ils feraient connaître à la justice une partie des coryphées de la secte qui se cachent encore » [doc4]. De même, il indique quels cabaretiers ou voisins sont susceptibles non seulement de donner des informations sur tel ou tel démocrate, mais encore de dénoncer ceux qui ne sont pas encore connus (s’il en reste !). Il note par exemple à propos de l’agent de remplacement militaire GERBIN : «  il doit connaître les sociétés secrètes de Toulon, sous les dénominations de vieille et jeune montagne. Si on le menace d’arrestation, il parlera » [doc4].

 

Ainsi gonfle-t-il sa liste, quitte à ajouter en appréciation sur quelques noms : « je n’ai rien appris de sérieux sur son compte ». Ce qui n’évitera pas l’emprisonnement à ces dénoncés.

 

Cependant, assez rapidement, la répression ne cherchera pas à aller plus loin. Le pouvoir avait atteint son but : en désignant à l’opinion la culpabilité d’une poignée de « coryphées de bas étage », les autorités et la presse conservatrice locale avaient beau jeu de développer la thèse d’une tentative insurrectionnelle motivée par la haine des possédants, tentative heureusement déjouée préventivement. À la Jacquerie rurale qui venait de déferler sur les campagnes varoises aurait pu faire pendant le déchaînement populacier urbain…

 

De ce fait, le cénacle démocrate des notables ne sera pas l’objet d’arrestations. Et même, dans des milieux plus modestes, des démocrates « éclairés » notoires seront seulement intimidés, comme le maçon PONCY Alexandre, ou le bibliothécaire de la ville PIETRA Barthélémy (il ne figure pas sur la liste) qui font l’objet d’une visite domiciliaire le 3 janvier 1852 : on trouve chez ce dernier une abondante littérature socialiste et communiste. En fait, la brutalité de la répression abattue sur plus d’une centaine d’activistes, la présence massive de la force armée, et bien sûr l’écrasement de l’insurrection dans le Var intérieur, suffisent à juguler l’opposition.

 

 

Mais que reproche-t-on à ces « coryphées de bas étage » ?

 

On le voit, il s’agit en fait de pur délit d’opinion à l’égard de citoyens dont le seul crime est de professer des opinions « démagogiques », et pour nombre d’entre eux, de s’être rassemblés ou d’avoir manifesté pacifiquement. Aucun constat de violence, de détention ou d’usage d’armes ne peut être avancé.

 

Demeure donc l’accusation d’appartenance à la société secrète. Sans doute a-t-elle pour but premier de justifier hâtivement les arrestations massives : à celles opérées le 4 décembre au soir et dans la nuit du 5 au 6 s’ajouteront ultérieurement celles du plus grand nombre des démocrates recensés comme absents de leur domicile. N’y échapperont que ceux qui ont pu gagner Nice.

 

Pour autant demeure l’interrogation sur la réalité de la société secrète.

 

En faisant la part du peu de confiance à accorder à de telles dénonciations et accusations, on ne saurait écarter ici la réalité d’une implantation de la « société secrète » (oh combien peu secrète en fait) de la Jeune Montagne.

 

Il semble vraisemblable que dans la nébuleuse démocrate rassemblée autour de son journal, un certain nombre d’activistes, essentiellement recrutés dans les milieux populaires, aient senti la nécessité d’une organisation de résistance. L’absence sur les listes d’affiliés de démocrates appartenant à la bourgeoisie éduquée, au barreau, à l’intelligentsia locale s’expliquerait alors tout simplement par leur refus de la structure clandestine, leur ferme désir de demeurer jusqu’au bout dans la légalité. D’ailleurs, l’agent infiltré BARRAS hésite sur l’appartenance du pharmacien FORTOUL à la société secrète. Maurice AGULHON (op.cit.) a souligné cette dichotomie entre les notables démocrates, légalistes, et l’activisme d’une partie de leurs troupes populaires. On lira dans BLACHE (op.cit) et MERLE (op.cit) les témoignages en attestant. Cet activisme est-il réellement allé jusqu’à l’organisation clandestine de combat ?

 

Une partie de ces militants populaires semble déjà organisée plus ou moins clandestinement depuis 1849. En 1850, l’agent infiltré (BREST, qui fera officiellement partie de la police locale en 1851) dénonce le jeune portefaix à blé DAUMAS (né à Toulon en 1826), comme responsable de la société secrète de la Vieille Montagne. Il désigne aussi plusieurs membres de la société (cf. liste supra). Selon BREST, la société se compose de vingt sections pour la ville de Toulon, chaque section comprenant un sergent, un fourrier, un caporal et dix hommes.

 

Mais ces activistes auraient pris contact dans le courant de l’année 1850 avec la naissante société secrète de la Jeune Montagne, qui rayonne sur le grand Sud-Est. Selon BLACHE (op.cit), qui à la fin de l’Empire recueille les témoignages de protagonistes de l’entreprise, le noyau de la Jeune Montagne toulonnaise a été le Comité démocratique, « une vingtaine de patriotes ardents », qui agissaient au grand jour pour diffuser leurs idées à Toulon et dans le Var. Mais devant le durcissement de la répression, ils auraient envisagé en 1850, en liaison avec les militaires en garnison à Toulon et gagnés à la cause « rouge », la possibilité d’une action insurrectionnelle préventive contre un coup d’État. Selon BLACHE, DAUMAS et DUPONT d’Hyères (alias CASCAYOUN, le chroniqueur provençal du journal Le Démocrate du Var) auraient noué ces contacts avec la Jeune Montagne.

 

En octobre 1850, le créateur et responsable de la Jeune Montagne, Gent, est arrêté à Lyon en octobre 1850, ainsi que quelques autres dirigeants. Ces arrestations entraînent l’affaire dite du complot de Toulon (fin octobre 1850), dans le cadre plus général du complot dit de Lyon.  En liaison avec Marseille et Lyon, les démocrates toulonnais sont accusés d’avoir préparé une insurrection destinée à renverser le régime : accusation vite été dégonflée localement, faute de preuves.

 

Sur cette affaire, cf. Maurice AGULHON (op.cit) – René MERLE, (op.cit).

 

De tous les inculpés, seuls MÉALY (MIALY) Louis (né à Soyons, Ardèche, en 1824) (cuisinier dans la marine, révoqué, diffuseur professionnel de la littérature démocratique et gérant du restaurant sociétaire) et FOUILLÉ(E) Louis Marie (né à Lorient en 1817), (ex adjudant des chiourmes), sont demeurés détenus. Les autres seront remis en liberté sous caution, en attendant leur procès prévu dans le courant de 1851. On retrouvera une partie dans la liste des Toulonnais accusés de faire partie d’une société secrète en décembre 1851 (cf. liste supra). Par contre, plusieurs des principaux inculpés, qui seront condamnés en 1852 à la déportation en Algérie, ne figurent pas sur cette liste de décembre 1851, et pour cause, ils étaient déjà dans le collimateur de la justice et pour certains à nouveau emprisonnés au moment du coup d’État.

 

DAUMAS n’avait pas fait partie de la fournée d’inculpations d’octobre – novembre 1850. Mais c’était reculer pour mieux sauter. Accusé d’avoir renoué des liens avec les comploteurs lyonnais de la Jeune Montagne, il est arrêté le 2 décembre 1850, (il sera lourdement condamné à dix ans de détention en avril 1851).

 

En 1869, à l’issue de son enquête auprès des participants, BLACHE (op.cit) confirme ce désir des activistes démocrates de se rallier à la Jeune Montagne. L’accusation portée contre MÉALY, de vouloir réunir les deux sociétés secrètes, l’ancienne et la nouvelle, ne semble donc pas dépourvue de vérité.

 

Le rapport de l’agent infiltré BREST donnait des noms d’affiliés à la société de la Vieille Montagne. Le rapport ultérieur de l’agent infiltré BARRAS ne parle plus que de « la société secrète », ou « société montagnarde », (la Jeune Montagne) qui semble effectivement regrouper désormais d’anciens adhérents de la Vieille Montagne, rejoints par de nouveaux affiliés.

 

BARRAS présente ainsi le rituel d’affiliation :

 

« Pour surveiller cette société, je me suis fait recevoir par BARRALIER, c’est chez DESPAX cafetier, rue de la Chapelle au dit Faubourg (Pont du Las), dans une chambre au 2ème étage, que mon agrégation s’est effectuée.

 

Dans l’escalier on me banda les yeux et quelques instants après mon entrée dans la dite chambre, on me fit poser la main droite sur des armes posées sur une table et placées en croix (que j’ai cru reconnaître, au toucher, pour des épées) et aussitôt BARRALIER me fit prêter le serment que voici :

 

MORT AUX TYRANS !

 

Le signe de reconnaissance était de porter la main au dessus du menton et le mot de passe était :

 

SUFFRAGE UNIVERSEL

 

Mais ce mot d’ordre, pour des raisons que je n’ai pu éclaircir, fut remplacé par le Comité central de Toulon par ceux-ci :

 

LOYAUTÉ, FERMETÉ, FRANCE

 

En résumé la société secrète n’a été constituée que pour le renversement du pouvoir exécutif ». [doc3]

 

Ce dernier mot d’ordre est très proche de celui utilisé pour certaines affiliations à la Jeune Montagne dans le Haut Var (cf. Frédéric Négrel, Clandestinité et réseau républicain dans le Haut-Var, La société secrète montagnarde d’Artignosc (1849-1851), Association 1851-2001, 2001)

 

 

La liste dressée par le Procureur le 13 décembre 1851 présente ainsi la structure supposée de l’organisation : quinze sections connues, dont douze à Toulon, deux à Ollioules, une à La Seyne. Chaque section a un chef qui dirige les « simples membres de la démagogie ». Le tout est coiffé par un Comité ou Conseil central de cinq membres.

 

Les sectionnaires, très populaires, du faubourg du Pont du Las se distinguent par l’appellation de « franc-tireur rouge » ou mieux « franc tireur extra rouge » ! [doc1]

 

Nous reviendrons dans la partie consacrée à La Seyne à la supposée section seynoise de la société secrète. Mais considérons ici le cas d’Ollioules.

 

Au débouché des Gorges et de la route de Marseille, la localité serait évidemment d’une importance stratégique évidente en cas d’insurrection. On comprend que les affiliés toulonnais aient considéré comme nécessaire l’inclusion des affiliés ollioulais dans leur structure. On comprend aussi que, du supposé complot de Toulon de 1850 à la dernière version des plans d’insurrection agitée par la presse conservatrice peu avant le coup d’État (cf. MERLE, op.cit), le rôle clé de ce verrou soit évoqué.

 

Ainsi, dans la liste des membres de la société secrète de Toulon [doc1], peut-on lire, après la liste des Toulonnais groupés par quartiers :

 

OLLIOULES :

 

HUGUES, tailleur de pierres, chef de section.

 

BONNET, cafetier.

 

Dans la liste des membres de la société secrète toulonnaise dressée par le commissaire central fin janvier 1851 [doc4] sont mentionnés :

 

HUGUES, tailleur de pierres, à Ollioules.

 

BONNET, cafetier, également à OLLIOULES.

 

HUGUES fera l’objet d’une information judiciaire de la part du procureur le 13 décembre [doc1].

 

 

Si l’on peut admettre la réalité d’une structure de société secrète toulonnaise, que penser de son efficacité ? Les conditions de communications du temps font que les mots d’ordre nationaux, et même les mots d’ordre régionaux, qui en l’occurrence viendraient de Marseille, ne pouvaient intervenir dans une situation d’urgence comme celle de la nuit du 3 au 4 décembre. Que faire ? Les démocrates de Toulon sont placés devant leur propre responsabilité de décision. Responsabilité d’autant plus importante que c’est à Toulon que des démocrates des cités plus ou moins proches viennent aux nouvelles : la navette La Seyne – Toulon du seynois CARVIN  (cf. infra) est attestée par les rapports de police, de même que la présence à Toulon, dans la soirée du 4, des deux responsables hyérois, DUPONT et BERTHIER.

 

Et comment savoir ce qui se passe dans le Var intérieur ? Les démocrates toulonnais disposent d’un émissaire régulier avec le conducteur de diligence REBOUL Louis Désiré, (né en 1812 à Solliès-Pont), qui est envoyé en mission à Vidauban. Encore lui faudra-t-il le temps de revenir, et alors tout sera déjà joué…

 

Les activistes de la société secrète sont vraiment pris dans une nasse : les différences d’appréciation sur le coup d’État dans les milieux populaires rendent plus que problématique la possibilité  d’une action de masse, l’absence d’une vraie structure de combat, d’un encadrement et d’un armement, rendent impossible l’insurrection, minoritaire mais décidée… BLACHE pense que seule une prise du pouvoir municipal dans la nuit du 3 au 4 aurait pu faire basculer le cours des choses… On peut  voir dans les rapports officiels la place majeure que prennent les « sectionnaires » dans la réaction du 4 décembre, réaction qui n’a pas résisté à la force armée. C’est à la manifestation, et non pas à la prise d’armes, qu’ils avaient appelé. Il est clair, à la lumière de tous les témoignages, que la direction de cette organisation a flotté après les premières arrestations. Significativement, BLACHE (op.cit) attribue au noyau dur du présumé complot de Toulon, (MÉALLY, FOUILLÉ), et non pas aux membres du comité central, l’initiative du rassemblement pré-insurrectionnel du 5 décembre. Il s’agissait de se réunir au Mourillon où des armes devaient être livrées aux démocrates par des sous-officiers de la caserne de l’infanterie de marine. De là, les républicains partiraient en colonne vers Cuers, d’où étaient venues des nouvelles d’insurrection. « Ce plan – le seul qui ait été formé – était dû à l’initiative d’un homme d’une extrême vigueur, AUBER, brigadier d’une compagnie des ouvriers d’état dont il avait promis le concours » (BLACHE, op.cit). On peut reconnaître en fait HOBERT, un des principaux inculpés du complot de Toulon en 1850 (présent sur la liste ci-dessus).

 

On sait que, craignant un piège, les conjurés rassemblés se dirigèrent vers Saint-Jean du Var, en attendant le retour de quatre émissaires envoyés aux nouvelles à Cuers. Ce rassemblement, loin de se prolonger  par une action violente, s’est en fait conclu par l’arrestation de 71 affiliés et la fuite des autres… La partie était jouée. De toute façon, la brutalité des arrestations, l’apathie apparente de l’opinion publique, la présence massive de la force armée, ne pouvaient guère inciter à poursuivre la résistance.

 

 

 

LA SEYNE

 

 

 

Sur l’événement à La Seyne :

 

L’événement de décembre 1851 dans la ville voisine de La Seyne (où vivent de nombreux travailleurs de l’Arsenal de Toulon), n’a été évoqué que par quelques lignes, fort imprécises, dans l’ouvrage de Louis Baudoin, Histoire générale de La Seyne-sur-Mer, 1965. Cf. la mise au point récente de René MERLE, « Décembre 1851 à La Seyne (Var) », Bulletin de l’Association 1851-2001, n°18, 2001.

 

 

 

Sources particulières pour La Seyne  :

 

AD Var , 4 M 21 – 1, « État des renseignements recueillis sur chacun des individus qui ont pris une part quelconque aux évènements, qui se rattachent aux grandes mesures prises par le gouvernement, et qui ont joué le rôle, dans toutes les circonstances qui se sont vérifiées, de chef de parti, de bande ou d’insurrection, ou qui peuvent être considérés comme les promoteurs ou les excitateurs de complot, qui ont fait partie de sociétés secrètes, soit comme affiliateurs, soit comme affiliés, en ayant soin de distinguer, s’il est possible, les chefs de l’organisation de ces sociétés secrètes, et d’indiquer, s’il est possible, la formule du serment imposé à chaque affilié. Ollioules le 13 janvier 1852, le Juge de Paix » [doc5]. (La Seyne fait alors partie du canton d’Ollioules).

 

À la différence de la note précédente sur Toulon, on trouvera ici le détail des accusations portées contre les démocrates seynois arrêtés au lendemain d’un rassemblement avorté dans la nuit du 6 au 7 décembre, tant ces appréciations peuvent attester d’un « montage » précipité fait par les autorités locales, désireuses d’épingler les militants bien connus de la localité en les baptisant membres d’une société secrète..

 

 

BENSAVAL, « cuisinier, âgé de 24 ans, boulanger, natif d’Hières [sic], demeurant chez son oncle à Carnoure [sic]. Bensaval est venu travailler depuis deux ans et à différentes reprises, chez le sieur BONIFAY, boulanger à La Seyne, il a quitté le magasin le 3 décembre dernier, il y avait laissé sa malle et est venu la prendre le 7 du même mois ; il a quitté La Seyne le 8 sans faire connaître où il se dirigeait ; il témoignait du désir de voir arriver 1852 pour avoir une augmentation de salaire et il disait que les riches travailleraient à leur tour, comme les autres ouvriers. Ces paroles ont été attestées, dans l’enquête, par la déclaration du sieur Michel BONIFAY, maître boulanger à La Seyne ».

 

BONACURCI Louis, riveur et cabaretier, « âgé de 35 ans, signalé comme faisant de la propagande démagogique et comme ayant fait partie du rassemblement de Brégaillon. Signalé en outre comme étant de la société Carvin. Cet homme qui s’était déjà fait remarquer dans les troubles de 1848, comme ayant escaladé l’hôtel où M. le Sous Préfet était logé, fut renvoyé de l’arsenal ; il était à cette époque délégué des ouvriers et vivant en concubinage avec la fille MOURRET cabaretière. Il est détenu dans les prisons de Toulon ».

 

CARVIN Auguste Jean Baptiste Vincent, horloger, « âgé de 39 ans, demeurant à La Seyne. Prévenu d’avoir le 4 décembre dernier fait un appel aux ouvriers de l’arsenal, pour se réunir à la société et s’entendre sur les mesures à prendre dans la circonstance actuelle ; décider ce qu’il y aurait à faire pour le lendemain. Prévenu encore d’avoir dit publiquement : « nous avons à nous venger de la constitution violée, de nos frères incarcérés et du suffrage universel. Président de la société dite littéraire à La Seyne, regardée comme société secrète ; il y exerçait une grande influence, en était l’orateur et y faisait la lecture des journaux tels que la voix du peuple, le démocrate, etc. L’appel fait aux ouvriers a été entendu par monsieur le commissaire de police de La Seyne. Ce prévenu est détenu depuis le 9 décembre dans les prisons de Toulon ».

 

COSTE Jean François, « âgé de 32 ans, scieur de long, demeurant à La Seyne. Accusé d’avoir fait partie du rassemblement du 6 décembre à Brégaillon. Signalé comme faisant partie de la société secrète Carvin et ayant conduit le 6 décembre, au rassemblement de Brégaillon, les personnes qui étaient dans son établissement. Un mandat d’amener a été décerné contre cet individu par le parquet de Toulon ; il est en fuite. L’enquête faite par Monsieur le commissaire de police de La Seyne n’a rien produit à son égard ».

 

COSTE Prosper, « âgé de 30 ans, scieur de long demeurant à La Seyne. Prévenu d’avoir pris une part active au rassemblement de Brégaillon et d’ambauchage auprès des soldats et des ouvriers. L’enquête n’a rien produit à son égard. Détenu dans les prisons de Toulon ».

 

DANIEL Auguste, « âgé de 26 ans, charpentier à l’arsenal, demeurant à La Seyne. Prévenu d’avoir parcouru du 6 au 7 décembre dernier, toutes les chambrées de La Seyne pour engager les sociétaires à se rendre au rassemblement de Brégaillon, dans le but de s’emparer de l’hôtel de ville et de se rendre ensuite à Draguignan pour déposer le préfet. Il a dit que Carvin faisait partie de cette réunion et la présidait. Dans l’enquête, ces faits sont appuyés par le témoignage de BESSON, Marius Hugues Louis, tuilier, et MAQUAND Joseph. Cet accusé est détenu dans les prisons de Toulon ».

 

DECUGIS Joseph Antoine, « âgé de 30 ans, calfat, demeurant à La Seyne. Accusé d’avoir fait partie du rassemblement de Brégaillon. Fréquentant la société du nommé CARVIN. La prévention d’avoir fait partie du rassemblement vient du co-accusé DANIEL, détenu dans les prisons ».

 

DESGRANGES Denis, « âgé de 50 ans, tailleur de pierre, demeurant à La Seyne. Accusé d’avoir parcouru les sociétés pour faire un appel à leurs membres et se rendre à Brégaillon, pour de là, aller déposséder le Préfet. Signalé comme vice-président d’une société secrète. Le témoin BESSON a déposé sur ces faits ».

 

ETTORE Pierre « dit l’anis, âgé de 25 ans, boulanger, demeurant à La Seyne. Accusé d’avoir pris une part active au rassemblement du 6 décembre dernier à Brégaillon. Signalé comme très exalté en démagogie et affilié à la société CARVIN. Dans l’enquête, ont déposé à ce sujet les nommés DANIEL et TIZOT, accusé. ETTORE est détenu dans les prisons de Toulon ».

 

GIRAUD Pierre, « âgé de 29 ans, potier, demeurant à La Seyne. Accusé d’avoir pris part à la réunion de Brégaillon et d’avoir menacé de mort ceux qui ne s’y rendraient pas. Ce fait est appuyé dans l’enquête par la déposition de Joseph MAQUANT. GIRAUD est détenu dans les prisons de Toulon ».

 

LAURENT Athanase « âgé de 31 ans, demeurant à La Seyne. Accusé d’avoir fait partie du rassemblement du 6 décembre à Brégaillon. Signalé comme faisant partie de la société secrète Carvin et ayant conduit le 6 décembre , au rassemblement de Brégaillon, les personnes qui étaient dans son établissement. Un mandat d’amener a été décerné contre cet individu par le parquet de Toulon ; il est en fuite. L’enquête faite par Monsieur le commissaire de police de La Seyne n’a rien produit à son égard ».

 

LAVILLE Joseph, « âgé de 66 ans, adjudant de vaisseau en retraite, demeurant à La Seyne. Prévenu d’avoir propagé que tous les décrets et dépêches du gouvernement à l’occasion des événements du mois de décembre dernier, étaient mensongers et ignobles et que les affaires se passaient de toute autre manière. Il faisait partie de la société secrète de Carvin à La Seyne et aurait brûlé les registres de cette société à l’arrestation de son président Carvin. M. le Commissaire de police de La Seyne a entendu lui même le nommé LAVILLE faire la critique des dépêches du gouvernement. Cet inculpé est détenu dans les prisons de Toulon ».

 

PETER François, Laurent « âgé de 35 ans, charpentier, demeurant à La Seyne. Accusé d’avoir fait partie du rassemblement du 6 décembre à Brégaillon. Signalé comme faisant partie de la société secrète Carvin et ayant conduit le 6 décembre , au rassemblement de Brégaillon, les personnes qui étaient dans son établissement. Un mandat d’amener a été décerné contre cet individu par le parquet de Toulon ; il est en fuite. L’enquête faite par Monsieur le commissaire de police de La Seyne n’a rien produit à son égard ».

 

REYNAUD Toussaint, « âgé de 42 ans, ouvrier vanier demeurant à La Seyne. Prévenu d’avoir pris une part active au rassemblement de Brégaillon et d’avoir menacé de mort ceux qui ne s’y rendraient pas. Cette prévention est appuyée par le témoignage de Joseph MAQUAND, tuilier à La Seyne ».

 

ROUSSET Jacques, François, «  âgé de 25 ans, boulanger, demeurant à La Seyne. Accusé d’avoir fait partie du rassemblement du 6 décembre à Brégaillon. Signalé comme faisant partie de la société secrète Carvin et ayant conduit le 6 décembre , au rassemblement de Brégaillon, les personnes qui étaient dans son établissement. Un mandat d’amener a été décerné contre cet individu par le parquet de Toulon ; il est en fuite. L’enquête faite par Monsieur le commissaire de police de La Seyne n’a rien produit à son égard ».

 

TIZOT Célestin, « âgé de 23 ans, charpentier à l’arsenal, demeurant à La Seyne. Accusé d’avoir fait partie du rassemblement de Brégaillon. Accusé d’avoir fait partie du rassemblement de Brégaillon. Fréquentant la société du nommé CARVIN. Le même témoin (DANIEL) a déposé. TIZOT est détenu dans les prisons de Toulon ».

 

 

Le contraste est évident avec la liste des membres de la société secrète de Toulon [doc1], dans laquelle on lit, après la liste des Toulonnais groupés par quartiers :

 

« LA SEYNE

 

CABOULET, capitaine en retraite, chef de section, demeurant à présent à Toulon ».

 

On lit également dans le rapport du Commissaire central [doc3] :

 

« En ce qui concerne CABOULET, Mr AUGIER, commissaire de police du 3ème arrondissement de la ville de Toulon, déclare d’après la rumeur publique de La Seyne, que ce dernier, capitaine en retraite, passait dans cette commune pour un démagogue exalté et surtout pour l’un des chefs de propagande socialiste. Au reste, cet individu ne fréquentait que des hommes exaltés de la secte, notamment le dénommé TERRASSON ».

 

L’agent infiltré BARRAS [doc3] avait déjà précisé que « TERRASSON à La Seyne était membre de la société montagnarde et chef sectionnaire ».

 

Dans la liste des membres de la société secrète toulonnaise dressée par le commissaire central fin janvier 1851 [doc4] sont mentionnés :

 

LANISSE Pierre, « à La Seyne »

 

REYNAUD, « boulanger, à La Seyne »

 

TERRASSON, « ancien militaire, à La Seyne, en fuite »

 

Il est clair que la société secrète toulonnaise n’a joué aucun rôle direct dans l’agitation seynoise entre le 4 et le 7 décembre. C’est l’activiste militant CARVIN, relayé par des démocrates parcourant les chambrées (appelées ici « sociétés »), qui ont tenu le rôle essentiel, et, en désespoir de cause, ont tenté une action nocturne à la limite de Toulon et de La Seyne, dans l’espoir d’une rencontre avec les démocrates du Pont du Las. Mais tout était joué à Toulon, on le sait. L’accusation aura beau jeu de baptiser société secrète le cabinet de lecture animé par CARVIN, structure de rencontre démocratique on ne peut plus légale (on voit même son responsable en brûler le registre, dès les premières arrestations…).

 

 

 

Conclusion générale

 

Les sociétés secrètes de l’agglomération toulonnaise n’ont-elles été qu’un fantasme, constamment et commodément mis en avant par les autorités locales pour justifier leur politique très répressive depuis 1849 ? Ont-elles été, au contraire, vraiment envisagées, voire mises en œuvres de façon plus ou moins achevée ? On peut le penser pour Toulon, voire pour Ollioules. Le fait est bien moins évident à La Seyne.

 

Dans ce cas, s’agissait-il seulement d’une doublure organisationnelle (groupes de militants unis par la proximité de la résidence) de la nébuleuse constituée autour de la diffusion des journaux démocratiques, des campagnes électorales, et se manifestant publiquement, (et prudemment pour ne pas donner prise à la répression) ? Ou s’agissait-il d’une organisation se préparant réellement au combat ? Les événements de décembre montrent que si le désir de l’affrontement existait, les conditions de cet affrontement étaient loin d’être réalisées…

 

 

René Merle, avril 2010